G2 LES ORIGINES HISTORIQUES DES PROBLÈMES ÉCONOMIQUES
vient sur cette question du sel, à la fois sur les mesures fiscales
qui font payer le sel très cher aux Français, et sur l’impor-
tance primordiale de cette exportation : « L’étranger, répète-
t-il, ne saurait se passer du sel de France » ; il rappelle et la
défense faite par l’Empereur Charles-Quint à « ceux du bas
païs de prendre du sel en France » et la remontrance des Etats,
à savoir « que leurs saleures, qui est la manne du païs, et la
plus grande marchandise, se gastoyent au sel d’Espagne et
de Bourgogne ». Il reprend sa théorie du £7° degré, il répète
que l’ « on void assez souvent les hourques du bas païs et
d'Angleterre venir aux brouages chargées de sable et de
pierres, n’ayans de quoy troquer pour avoir du sel, du vin
et du blé de France ». Les affirmations de Jean Bodin sont
reprises par son plagiaire du Haillan dans le Discours sur
l'extrême cherté de 1574, puis par Montchrestien en 1614.
Ce trafic est encore plus actif depuis que, par un curieux
hasard, les peuples pécheurs du Nord, devenus presque tous
réformés, ont à fournir de poissons salés les peuples restés
fidèles au catholicisme : rencontre inattendue de l’histoire
économique avec l’histoire religieuse : nouveau contraste, di-
rait Rabelais, entre les pays des Andouilles et ceux de Caresme
prenant. C’est alors, suivant l'expression de Michelet, que les
Hollandais, pêcheurs et saleurs de harengs, transmuèrent
leurs tonnes infectes en tonnes d’or. M. Boissonnade(') adonné
une idée de l’activité de ce commerce. Il a décrit les flottes
du sel qui, venues d'Angleterre, se rencontraient sur nos côtes
avec celles des Hanséates. Il a montré Henry VIII se faisant
concéder, en 1527, une exportation annuelle de sel de Brouage
portant sur 15.000 couronnes. Lors du sac de Brouage par
Mayenne en 1577, on y saisira 400.000 livres tournois de car-
gaisons de sel pour l’Angleterre, et le trafic s’en transportera
à la Rochelle, à Marennes, à Bordeaux.
Quant aux Etats scandinaves, en 156%, l’envoyé anglais dé-
crivait à Walsingham le mouvement des flottes qui passent
le Sund, et ajoutait : « si stérile et pauvre est ce pays de
Danemark, qu’il n’a commerce en aucune marchandise si-
(1) Mouvement commercial entre la France et l’Angleterre, dans Revue
hist., t. CXXXIV, 1920, pp. 226 et suiv. — Voy. sur les négociations de
1527-29. V. Bornrizrr, Guillaume du Bellay, p: &9