LES CAMPAGNES DANS L’ÈRE FÉODALE 167
époques déterminées, qui consistent surtout en produits
du sol, qui sont souvent quérables, c’est-à-dire doivent être
enlevées par le propriétaire, par les propres moyens de
telui-ci. Les charges accessoires en argent sont peu éle-
vées. Une fois les rentes en numéraire (cens, oublies) et en
nature (champarts, agriers, terrages) acquittées, le vilain
est le légitime possesseur du reste des revenus.
Il y a même parmi les vilains de véritables privilégiés. Ce
sont les censitaires des monastères et des églises qu’on
nomme en Allemagne et aux Pays-Bas lacten, cerocen-
suales, homines ecctesiastici, hommes de sainteur, en Espagne
abadengos ; ou encore les censitaires des princes, les realen-
gos espagnols par exemple. Ils excitent l’envie des masses
rurales. Ils paient en effet des cens plus, modérés, parmi
lesquels figurent des redevances en cire pour le luminaire
religieux, d’où le nom de cerocensuales ; ils acquittent des
prestations en nombre déterminé ; ils ne sont astreints, en
cas de mariage, qu’à de menues taxes ; ils sont soustraits
aux exactions des seigneurs laïques et ils sont mieux pro-
tégés contre la guerre et la disette. Mais la plupart des
vilains francs, en dépit de leur qualité d'hommes libres et
des stipulations du contrat et de la coutume, n’ont, ni le
droit de porter les armes pour Se défendre, ni en général
la possibilité de changer de domicile et de maître. Ils
sont exclus de la société politique et n’ont par conséquent
aucune garantie réelle contre l’oppression. Le seigneur n’a
point « pleine jouissance » sur eux, comme le reconnaît le
cèlèbre jurisconsulte Pierre de Fontaines au xyre siècle. Mais
la seule garantie que le vilain possède contre les abus de la
force seigneuriale se trouve dans la conscience du maître.
Ti n°y à entre lui et le vilain d’autre juge que Dieu. Exiger
du paysan libre des redevances arbitraires n’est qu’une
faute morale, un « larcin » commis au « péril de l’âme » du
seigneur. Mais que vaut un pareil frein contre les sugges-
tions de l’égoïsme et de la cupidité? Point de recours
rontre l’arbitraire, De là vient, qu’en dépit de la coutume,