168 L’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL
le vilain franc est assujetti souvent à des corvées, à des
prestations, à des monopoles, à des redevances, à tout cet
ensemble d’extorsions qu’on appelait à cette époque des
sæactions, des maliôtes, de mauvaises coutumes, à cette
multitude d’abus que le temps finissait souvent par con-
sacrer et qui aggravaient d’autant plus les charges primi-
tives du tenancier libre.
Les vilains serfs sous le régime féodal. La généralisation du
servage. — La liberté du vilain n’est guère qu’une demi-
servitude, mais sa condition est néanmoins beaucoup plus
relevée que celle du serf. C’est le servage quiest, au xe, au X1°
et même au 11° siècle, l’institution sociale dominante pour
la masse des travailleurs. Dans la classe des serfs se sont
en effet confondues les anciennes catégories des hôtes, des
affranchis, des colons, des colliberts. des esclaves person-
nels ou casés. Ces hommes de corps, ces serfs et serves,
{servi et ancillæ) ces taillables, ces mainmortables, ces
quesiauæx de nos provinces, qu’on appelle aussi les hommes
liges de corps, les hommes de capitation (de capite), les
natifs (nafivi), constituent l’ensemble du capital humain
d’exploitation (familia) des domaines seigneuriaux
de la France. Dans l’Angleterre anglo-normande, les
109.000 vilains qu’a recensés le Domesday Book, et qui sont
des laboureurs en possession d’une paire de bœufs, ainsi
que de 30 à 15 acres de terre, se sont confondus avee les
90.000 coîtiers et bordiers qui n’ont point d’attelage, mais
seulement une cabane (cottage) avec un jardin et 5 acres
de terre, de même 'qu’avec les 25.000 ouvriers agricoles
(bondsmen) dont la condition était celle des esclaves, pour
former une seule catégorie analogue à celle des serfs nor-
mands et français. Ces vilains anglo-normands réduits au
servage forment du x1° au XII° siècle plus des trois
quarts de la population anglaise. L’Allemagne a pos-
sédé un grand nombre de paysans de même condition
qu’on y nomme les hommes de corps (leidbeigenen, eigen-