L’ESSOR DU COMMERCE ( 197
place, en général au comptant, souvent sous la forme
primitive du troc. On donnait un cheval pour un sac de
blé, une pièce de toile pour une mesure de sel, une livre de
poivre pour une paire de bottes. On ne connaissait guère
que des marchés locaux, tenus aux portes du château, du
monastère ou dans le faubourg de la ville voisine. L’insé-
curité, l’anarchie, la multiplicité des monopoles seigneu-
riaux et des péages, la pénurie et les difficultés des moyens
de transport, la diversité chaotique des poids, des mesures,
des monnaies, la rareté du numéraire et l’imperfection
des instruments de crédit étaient autant d’obstacles à la
circulation des marchandises.
La consommation des produits du dehors était si faible
et les moyens d’achat si médiocres, qu’abstraction faite
de quelques régions, telles que l’Italie, la France méri-
dionale, la France du Nord, la Flandre, la Rhénanie et
quelques-uns des pays danubiens, il n’y avait pas encor6
en Occident de classe spéciale de marchands indigènes
(mercatores), c’est-à-dire d’intermédiaires entre le produe-
teur et le consommateur. Cette classe ne se composait à
l’origine presque uniquement que d’aventuriers et d’étran-
gers, ou même de non-chrétiens, de juifs placés en marge
de la société féodale, et qui pratiquaient surtout le com-
merce des produits de luxe et des métaux précieux, ou les
prêts d’argent, en vue de satisfaire surtout aux besoins de
l’aristocratie. Ils n’étaient pas, en général, sédentaires; ils
couraient les chemins comme colporteurs (mercatores
eursorii), ou allaient, groupés en caravanes, de pays en pays,
aux foires que les seigneurs avaient organisées pendant la
belle saison, à l’occasion des fêtes religieuses. Mais, en dépit
des privilèges concédés à ces assises commerciales, le mar-
chand était traité en intrus comme tout étranger (forain).
Ses biens, ses navires, sa personne étaient exposés à la
saisie et à la confiscation, en vertu des droits d’aubaine,
d’épave et de bris. Sur lui s’exerçaient, par suite du droit de
représailles, les vengeances ou les reprises que le féodal se