L’ÉMANCIPATION URBAINE 239
protection des intérêts économiques communs. ‘Le syn-
dicät entretient la maison de la communauté (guildhall)
où ses membres se concertent ; il aménage des marchés,
des halles, des docks, des ports, des bateaux, organise des
caravanes et des escortes armées, garantit des indemnités
en'cas de vol, d’avaries et de pertes, négocie même, à
Poccasion, des conventions commerciales avec des gouver-
nements féodaux. La gilde marchande est bien plus hardie
à cemoment que la confrérie ouvrière, qui n’a encore qu’un
but religieux, et que le syndicat industriel naissant (le
métier ou corporation) qui se constitue timidement pour
un nombre très restreint de professions, avec la permission
du seigneur, sous le contrôle permanent des officiers sei-
gneuriaux. Les artisans n’ont ni la richesse, ni la cohésion,
ni la largeur des vues des marchands. Ce sont ces derniers
qui conçurent le programme eommun d’émancipation et
qui le firent triompher par leur action coordonnée, réflé-
chie et énergique. Le syndicat marchand, la gilde, engagea
la bataille, la dirigea et la gagna.
Le mouvement d’émancipation des classes commerçantes
et industrielles au XIe, au XII et au XIII° siècle. — Le
mouvement commence dès le x1° siècle ‘dans les pays
d’Occident où la renaissance du'commerce a donné aux
classes marchandes le sentiment de leur force'et la volonté
de rompre leurs liens. Le patriciat marchand, soutenu par
le peuple des petits commerçants et des artisans, s'ap-
puyant tantôt sur la papauté:et le clergé, tantôt sur la
petite‘noblesse, profite des divisions des classes féodales
et les oppose les unes aux autres. À Venise, dès 976, il brise
le pouvoir monarchique du doge ; à Milan, par quatre révo-
Iutions (de 987 à 1067), celui de l’archevêque ; à Plaisance
(1090), à Lodi (1095), à Crémone (1095), à Vicence, à
Bologne, à Pavie, à Lucques, à Gênes, celui de la haute
féodalité. En Provence et en Languedoc, chevaliers - et
marchands ‘livrent l’assaut au pouvoir seigneurial. À