ÉMANCIPATION DES CLASSES 301
déshérences, par la participation qu’il prit à la colonisa-
tion, comme en France, aux Pays-Bas et dans certaines
régions de l’Allemagne. Au temps de sa grande puissance,
l'empereur allemand eut ainsi d’immenses biens d’empire
(reichsgüter), disséminés depuis la Méditerranée jusqu’à la
Baltique, et dont les revenus s’élevèrent en 1180 à six mil-
lions de thalers. De même en France le domaine du roi
doubla d’étendue sous Philippe Auguste et ses revenus
atteignirent 438.000 livres parisis, puis 525.000 livres (envi-
ron 12 millions de fr.) en 1325, au temps de Charles IV.
Toutefois la propriété de l’État subissait des fluctuations
continuelles, par suite des engagements, des aliénations,
des donations, de la prodigalité ou de la faiblesse des
souverains, et enfin des usurpations qui l’amoindrissaient
souvent. C’est ainsi que le domaine impérial après le
grand interrègne se trouva diminué des deux tiers (1280).
L’apogée de la fortune territoriale de l’Eglise. — Plus
persévérante dans sa politique, plus habile dans sa ges-
tion, l’Église d’Occident continue à étendre sa domi-
nation sur le sol. Sans doute, d’anciens ordres religieux
en décadence, tels que celui des Clunisiens, ou des digni-
taires ecclésiastiques et des chapitres peu soigneux, com-
promettaient parfois, par leur incurie ou leurs dépenses
inconsidérées, l’œuvre patiente d’accaparement que leur
corporation poursuivait. Mais, en général, l’Église prof
tait de la colonisation dont elle fut la grande promotrice,
de la piété des fidèles qui multipliaient les donations, de
l’accroissement des capitaux mobiliers, auxquels elle sut
participer et qu’elle employait souvent en placements
fonciers, pour étendre sans répit sa puissance territoriale.
Les nouveaux ordres religieux, Cisterciens, Chartreux,
Prémontrés, Templiers, Teutoniques, Porte-Glaives, pre-
naient place parmi les plus grands propriétaires fonciers
de la chrétienté. Les premiers firent de leurs exploita-
tions ou granges de magnifiques domaines, objets d’admi-