ÉVOLUTION DU COMMERCE ET DE L’INDUSTRIE 377
ou militaires qu’elles pouvaient fournir, on multiplie,
avec une extrême rapidité, les corporations jurées
ou privilégiées. On les voit alors apparaître en France,
à Tours, à Besançon, à Rennes, et en bien d’autres villes,
à Douai, à Tournai ainsi que dans la plupart des
centres urbains des Pays-Bas, d’Angleterre, d:Allemagne,
d'Italie et d’Espagne, d’où le mouvement gagne le
reste de l’Europe. À Francfort, en cent ans, leur nombre
passe de 14 à 28, à Vienne de 50 à 68, à Londres de 48 à 60,
à Venise de 59 à 162. Les corporations se subdivisent
elles-mêmes, donnant naissance à de nouveaux métiers
jurés. Le régime corporatif s’applique en certains pays
jusqu’aux ménétriers, aux aveugles, aux mendiants, voire
même aux ribauds et aux courtisanes. Des fédérations ou
unions de syndicats s'organisent, par exemple celle du
safran à Bâle qui groupa 100 métiers, ou encore la jrairie
des tailleurs du comté de Hohenzollern, ou les nations et les
liden des villes des Pays-Bas. Les petites villes et les
bourgs eux-mêmes voient naître des groupes corporatifs
privilégiés. Sans arriver à submerger les métiers libres, les
corporations jurées ont singulièrement accru l’étendue de
leur domaine.
Les altérations de l'esprit du régime corporatif. — Ce
régime exerça à certains égards l'influence bienfaisante
qu’il avait. manifestée dans la période précédente. Il
contribua à maintenir dans le monde du travail la tra-
dition de probité et de capacité professionnelle, de stabi-
lité et d’équilibre social. Mais les corporations ne tardèrent
pas à faire preuve de l’esprit d’égoïsme, d’exclusivisme,
de routine même, qui anime à la longue les. corps privi-
légiés. Elles outrèrent les monopoles et la réglementation.
Elles multiplièrent les procès entre métiers rivaux. Elles
poursuivirent de leur haine le travail indépendant. Elles
exagérèrent la minutie de leurs règlements. Billes établirent
une police inquisitoriale ; elles se transformèrent en bas-