378 LA FIN DU MOYEN AGE
tilles hérissées de privilèges, où une minorité de patrons
s’embusqua. La politique mal avisée du pouvoir muni-
cipal et de l’autorité centrale leur permit de multiplier
les entreprises contre l’intérêt général, déguisées sous des
prétextes fallacieux,
Il y eut pis encore : la division se mit dans le
monde du travail. Dans chaque centre, les corporations
riches ou puissantes s’efforcèrent de mettre dans leur
dépendance les moins fortunées et les moins fortes. À
Florence, les arts majeurs s’élevèrent au-dessus des arts
moyens et surtout des arts mineurs. À Londres, les 12
grandes corporations, qui avaient le droit d’arborer des
armoiries, se séparèrent des cinquante métiers dépourvus
de ce droit. À Paris, ce furent les six corps marchands, où
figuraient les drapiers et les merciers, qui s’érigèrent en
aristoeratie, de même qu’à Bâlé les corporations des
« messieurs », les herrenzünfte. Dans chaque métier juré
lui-même, les anciens maîtres essayèrent d’accaparer les
charges au détriment des jeunes. À Londres, par exemple,
ce sont les 114 maîtres, dits à livrée, dela corporation des
brasseurs, qui régentent les 115 autres.
Cet esprit antiégalitaire, si-différent de celui de l’épo-
que. antérieure, se fait surtout jour dans les rapports
entre patrons ou maîtres et ouvriers ou compagnons.
Dans un grand nombre de métiers, l’ouvrier est évincé
des dignités et des charges, réduit dans les assemblées
à un rôle muet, exclu de la maîtrise, dont les maîtres
font une propriété transmissible de père en fils, encore
accessible aux gendres, entr’ouverte aux compagnons
aisés, mais fermée aux pauvres. L'épreuve de capacité
technique, le chef-d’œuvre, devient pour ce motif obliga-
boire, et ses conditions sont compliquées à dessein. Aggra-
vées par la perception de droits pécuniaires élevés, par
l’obligation de banquets coûteux, elles sont destinées à
écarter du patronat la multitude des ouvriers. Un simple
chaudronnier, comme à Bruxelles, se voit demander 300