LES INVASIONS, RUINE DU TRAVAIL 37
décimé pat la pesté bubonique qui y reparaît et s'étend
en Sicile et en Calabre en 746 et 747. La peste noire du
x1v° seule fera autant de ravages. La misère physiolo-
gique multiplie les maladies nerveuses, la lèpre, le mal des
ardents. L'épuisement diminue la fécondité des familles et
la natalité. Des vides effroyables ont été faits dans la popu-
lation de l’Occident et de l’Orient, à tel point que cette
période est l’une de celles où le peuplement descendit au
niveau le plus bas qui ait été atteint pendant les deux
millénaires de l’ère chrétienne. Les régions danubiennes.
rhénanes, bretonnes, gauloises, qui avaient un moment
compté au II° siècle plus de 30 millions d’hommes, en per-
dirent probablement la moitié ou les deux tiers. La Panno-
nie, la Norique, la Rhétie, l’Helvétie, la Gaule, la Belgique,
la Grande-Bretagne, l’Espagne, l'Italie du Nord et du
centre furent particulièrement atteintes et la péninsule
balkanique peut-être plus encore. Les contemporains
son. unanimes à décrire la désolation du monde occidental
et oriental, l’impression de solitude, de désert qui s’en
dégage, et plus d’un se croit arrivé à la fin des temps
qu’avaient prédit les Livres Saints.
Le désastre matériel et moral avait été en effet immense
et paraissait irréparable. Les conditions de la vie des
peuples civilisés, surtout en Occident, s’étaient rabaissées
jusqu’à celles des peuples barbares. Ni le travail, ni l’in-
telligence n’étaient honorées. La force régnait en maîtresse
eb la bande guerrière exploitait la société occidentale
sans pitié. En haut, une minorité de chefs et de guerriers
vit de guerre et de pillage, pressure dans ses domaines la
misérable population des colons et des esclaves, entasse
“le fruit de ses rapines, peuple ses gynécées de servantes,
ses écuries de chevaux, ses chenils de meutes, partage ses
loisirs entre la chasse et les banquets, les combats de
chiens, les exercices violents. Grands et hommes lïbres,
fuyant les villes ruinées, vivent dans leurs villæ, leurs
aemeures familiales (sala, fara) ou leurs hameaux, sur la