RÉFLEXIONS SUR L’HISTOIRE DES BANQUES 71 la nécessité d’escompter leurs richesses futures et de disposer sur place de ressources disponibles à de longues distances. fls ont dù recourir à des organes qui fissent circuler la ri- chesse dans le temps et dans l’espace, et qui établissent une commune mesure entre des instruments d’échange, Non seulement inégaux en eux-mêmes, mais doués d’un inégal pouvoir suivant que leur abondance était plus ou moins grande sur tel ou tel marché. C’est, à y bien réftféchir, une chose assez curieuse que l’es- pèce de pudeur spiritualiste qui a souvent empêché les histo- riens d’évaluer le rôle des affaires d’argent dans l’histoire () On parle guerres, défaites et victoires, généraux et diplo- mates : on oublie que les armées, comme disait un grand soldat du xvi° siècle, se forment. « par le ventre ». On décrit les famines louisquatorziennes, on ‘Ya même jusqu’à compter les boisseaux de blé amenés dans nos ports ; on néglige de se demander par qui et comment, dans la pénurie du Trésor, ces gigantesques opérations pouvaient être financées. En 1694, en 1709 comme aujourd’hui, il fallait trouver des prêteurs pour acheter du grain à Danzig ou sur le marché de Hollande. Montrer Louis XIV et Samuel Bernard sur l’escalier de Ver- sailles, cela n’est peut-être pas suffisant. Les gouverne:nents du temps passé ne pouvaient, pas plus que ceux du nôtre, faire banne chère avec peu d'argent, et sans recourir au crédit. Nous ne parlerons pas de ce que l’on peut appeler la période précapitaliste de l’histoire des banques. Il faut même le cons- tater, nous sommes relativement bien renseignés sur cette période : banques italiennes de l’époque médiévale, banques florentines, siennoises, génoises @), rôle européen des « Lom- hards ». Les érudits se sont attachés à multiplier sur ce ter- (1) Peu d'ouvrages généraux : Lawson, History of Banking ; LANDMANN, Entiwicklungsgeschichte der Formen des ôffenilichen’ Kredits dans Finanz- archiv, 1912. Parmi les histoires économiques générales, l’une de celles qui accordent le plus de place à ces problèmes est la toute récente Allge- meine Wirtschaftsgeschichte, par Jos. KULISCHER. Munich et Berlin, 1928, t, Il. M. Kulischer avait déjà donné, pour le Moyen âge, Warenhändler und Geldausleiher im Mittelalter dans Zeitschrift für Volkswirtschaft, 1908. (2) L'ouvrage capital est celui de SIEVEKING.