120 LE TRAVAIL PENDANT LE HAUT MOYEN AGE et ses pâtures. Il moud leurs grains à son moulin, leurs pommes, leurs olives, leurs raisins à son pressoir : il répare ou fabrique leurs outils à sa forge et brasse leur orge à sa brasserie. Il met ainsi à leur disposition des établissements coûteux, que les paysans n’auraient pu créer. Il est tenu de les nourrir en cas de disette. II leur fournit les secours spirituels, en organisant la chapelle et le service de la paroisse rurale. II les sauvegarde contre les excès d’autrui, en leur assurant la protection de sa force et de sa justice. Le serf de son côté n’est point maître de sa tenure, mais il en est l’usufruitier perpétuel, il ne peut en être expulsé et sa famille en hérite, alors même que le père aurait encouru la peine de mort. Il trouve sur cette terre, qui parfois prend même le nom du domaine libre (sors, hereditas, alodium), la stabilité et la sécurité de l’existence, puisque l’individu déraciné n’est alôrs qu’un outlaw, vagabond sans feu ni lieu, proie toute désignée pour l’esclavage ou la faim. Si le maître a intérêt à garder la famille serve pour exploiter la parcelle domaniale qui resterait stérile sans celle-ci, la famille serve n’a pas moins d’avantages à rester sur ce sol, où elle est née, où elle à grandi, qu’elle a fécondé par son travail, d’où elle tire les éléments de son existence. Là, elle a fondé un foyer, béni par la religion, inviolable et sacré comme celui de l’homme libre, puisqu’il est établi sur l’indissolubilité du mariage chrétien. Le serf devant Dieu est légal de son maître. Émancipé, il peut devenir même son supérieur, puisqu’il est apte à être prêtre et moine. Le fils d’un chevrier au temps de Louis le Pieux s’est assis sur le siège épiscopal de Reims, le premier de la Gaule. La femme du paysan serf est devenue une mère de famille chrétienne, protégée au temps de sa maternité et dispensée presque entièrement des corvées, qu’on l’autorise à remplacer par quelque ouvrage familial ou par quelque redevance en argent. Le serf peut vivre entre sa femme et ses enfants qui travaillent à ses côtés et qui lui appartiennent, avant d’appartenir au