LES CLASSES RURALES EN OCCIDENT 125 réduite trop souvent à des superstitions, à des pratiques extérieures, encombrée d’une foule de survivances du paganisme. L’ignorance des classes rurales est profonde, bien que des moines et des évêques aient essayé de pro- pager l’instruction parmi elles, et qu’on ait vu des sers admis dans les écoles monastiques ou épiscopales. Les meilleurs éléments d’avenir pour la vie morale des cam- pagnes se trouvaient dans le sentiment profond de la soli- darité de la famille rurale, ce groupement uni et discipliné, cette école de dévouement et de travail, ainsi que dans l’existence d'associations coopératives de familles, de villages ou de domaines (consorteria, vicinia, condoma). Ces associations dans tout l’Occident se prêtent un mutuel secours pour le labeur des champs, pour les défrichements, pour la défense des paysans ou des intérêts ruraux. C’est dans ces petites sociétés unies que les classes inférieures des campagnes devaient faire l’apprentissage de la res- ponsabilité, de l’effort laborieux, de la vie énergique et inténse qui les prépara à la liberté. Le malaise rural enOccident aux derniers siècles du moyen âge. — Dans les derniers siècles du haut moyen âge, l’horizon leur semblait encore si bien fermé de ce côté, qu’un pro- fond malaise agitait, en dépit des progrès réalisés, le monde rural de l'Occident. Cette vie collée au sol, cette existence sans issues ouvertes sur une condition plus indépendante, cette sujétion perpétuelle souvent dégénérée en tyrannie provoquaient, parmi les éléments inquiets et violents de ces populations, un sourd mécontentement. De là pro- venaient la résistance passive, la mauvaise voldnté (pravus excessus) qu’opposent parfois les seris à leurs maîtres. De là, cette épidémie de désertions qui entraîne une partie des serfs. Les chartes mentionnent assez fréquem- ment les terres abandonnées par leurs cultivateurs (servè absarii), qui s’en vont sur les chemins, groupés en bandes de mendiants et de vagabonds, bien que des lois fort dures