148 L’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL produits de ce capital. Leur travail n’est que la rémuné- ration légitime de cette concession et de ce patronage. Au moment de la dissolution de l’empire carolingien et les désordres des dernières invasions, cette division du travail social présentait en effet quelque apparence de raison. C’était l’Église qui avait sauvegardé et qui sauva encore la civilisation. Ce sont les hommes de guerre, les soldats (milites), comme le moyen Âge appela les féodaux, qui, associés les uns aux autres par les devoirs de vassalité, dont le principal était le service militaire, préservèrent l’Occident chrétien d’une dissolution complète. Ils avaient introduit dans le désordre et la désorganisation quelques éléments d’ordre et d’organisation. Le contrat féodal fut alors la forme nécessaire et utile du contrat social. Par- tout, dans l’Europe occidentale chrétienne, le régime féodal, né d’institutions de solidarité et de protection, le vasselage, la recommandation, le patronage et le seniorat, avait suppléé à la carence ou à la faiblesse de l’État dont il avait assumé la tâche gouvernementale, soit en vertu du mandat (immunité) qui lui avait été conféré par l’auto- rité souveraine, soit par l’usurpation. La classe militaire etla classe ecclésiastique avaient en mê- me temps fondé leur puissance sociale et politique surune so- lide base économique. Elles avaient réussi à mettre en leur pouvoir le sol de l’Occident. La double maxime du droit féo- dal français exprima logiquement cette conception. « Nul seigneur sans terre » disait en premier lieu cet adage, et le corollaire, mulle terre sans seigneur, s’en dégageait naturellement. Terres, charges, argent deviennent au même titre des biens réservés aux classes dominantes. Fonctions ou offices (honores) et domaines concédés à titre révocable et viager (bénéfices) puis à titre héréditaire se confondirent pour former une seule catégorie de propriétés, le fief, qui fut l’assise solide de la fortune de ces classes. Le régime féodal, avec les différences qui lui vinrent des traditions antérieures et de l’organisation particulière de