LE RÉGIME FÉODAL DES CLASSES GOUVERNANTES 159 nait dans une région un groupement de domaines formant un ensemble de 78.541 hectares. Mais si une minorité est pourvue de vastes propriétés, la majorité se contente de domaines moins considérables, qui toutefois, en raison du moindre revenu du sol, ontuneétendueproportionnellement plus élevée que celle de la moyenne et de la petite propriété de nos jours. En Dauphiné, par exemple, la composition d’un fief varie entre 3 et 12 manses. En Angleterre il existe des fiefs formés de 3 à 4 domaines (manors) ou du territoire de 3 à 4 villages. Tandis que les grands domaines se morcellent par les concessions de fiefs ou les aliénations de tout genre, les moyens et les petits fiefs se subdivisent par les mutations et les partages. La moyenne et la petite propriété noble tend à se dissoudre en une poussière de petits domaines, dont certains en Poitou et en Saintonge, n’ont qu’un cinquième de manse. Dans les Deux-Siciles, cn trouve même des quarts, des cinquièmes et des sep- tièmes de fiefs de chevaliers. Aux Pays-Bas, il n’est pas rare de voir des hobereaux pousser eux-mêmes la charrue et vivre de la vie du paysan, dont ils ne se distinguent que par leurs mœurs turbulentes et féroces. L'organisation du grand domaine à l’époque féodale. — Un certain nombre de domaines conservent néanmoins encore les caractères des grandes propriétés de la période précédente. On ne saurait mieux les comparer qu’aux plantations formées dans les pays neufs et aux colonies, au XVIII° et au xrx° siècle, ou aux vastes possessions de l’aristoeratie russe avant l’abolition du servage. Ceux qui détiennent les grands domaines du milieu du moyen-âge, princes, évêques, monastères, nobles de premier rang, les répartissent en groupes qui portent, suivant les pays, divers noms. Ce sont, en Allemagne le fronhof, en Angle- terre, le manor, en Alsace, la colonge, en France, le præ- dium ou la terra fiscalis, souvenir du fisc carolingien, qui était la réunion de plusieurs manses, en Italie, la curtis