L70 L’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL ont été élevés et où ils sont astreints aux plus humbles fonctions de la domesticité. Le séjour permanent dans l'entourage du seigneur leur vaut d’être en butte aux injures et aux mauvais traitements. Cruellement traités, fustigés pour la moindre faute, ils forment une sorte de prolétariat du servage, exploité et aigri, qui, comme celui de l’antique esclavage, n’aspire qu’à se dérober par la fuite à la geôle odieuse où il est tenu. Mais en haut, il y a en revanche des serfs privilégiés. Tels sont les colliberts de nos provinces de l’Ouest et de l'Ile-de-France ou de Niver- nais, dont la famille ne peut être dispersée et qui furent probablement dispensés des droits de formariage et de mainmoite. Les plus heureux sont les serfs royaux et ecclésiastiques qui, demeurant sur les domaines des sou- verains et de l’Église séculière ou monastique, jouissent en fait de la capacité juridique. Ils sont moins sujets à être donnés, vendus ou changés, et ils possèdent une sécurité matérielle, avec des garanties de bien-être, qui manquent aux serfs ordinaires. Dureté de la condition des paysans serfs sous le régime féodal. — En regard des déshérités d’en bas, des privi- légiés d’en haut, se trouve la multitude des serfs ordinaires. Ils sont astreints à des obligations semblables et parqués dans une condition commune. Le seul trait qui continue à les distinguer des esclaves, c’est qu’ils ont une personna- lité reconnue légalement par la coutume ou le droit. Aussi peuvent-ils avoir, surtout s’ils sont établis sur une tenure, et c’est le cas du plus grand nombre, un foyer, une famille et même un patrimoine mobilier. Mais ils n’ont à aucun degré la libre disposition de leur personne. Ils font partie du domaine à peu près au même titre que le cheptel. Ils sont considérés comme des éléments essentiels du capital d'exploitation, comme des valeurs économiques. La perte d’une famille de serfs porte au seigneur autant ou plus de préjudice que celle d’une partie de ses bestiaux. Aussi