TA CONDITION DES CLASSES URBAINES 265 D'ailleurs, les monopoles sont loin d’être rigoureux ; s’ils varantissent aux petits marchands et aux artisans la jouissance privilégiée du marché local, ils sont tempérés par la coexistence des métiers libres et des métiers jurés, par la survivance du travail à domicile, par la concurrence des forains autorisée en certains jours, enfin par le pouvoir reconnu à l’autorité souveraine, royale, seigneuriale ou municipale de décréter la liberté du travail. De ce dernier pouvoir, des rois, tels que Philippe le Bel, des communes, telles que celles d'Italie ou de France, n’ont pas hésité à user à l’occasion. Le monopole engendre entre corporations des procès souvent interminables qui proviennent de la difficulté de déterminer la sphère d’activité de chacune. Il met aux prises cordonniers et savetiers, lormiers et sel- liers, garnisseurs et fourbisseurs, drapiers et merciers, bien d’autres encore. De tout temps, pareilles difficultés ont surgi, et nos brevets d'invention donnent lieu à des litiges non moins nombreux que Ceux qui naissaient de l’interprétation des statuts corporatifs. Le monopole n’a pas d’ailleurs enrayé l’émulation à cette époque, où la corporation ne présentait pas la forme rigide et l’esprit de routine qui la caractérisèrent plus tard. La rivalité des tentres urbains obligeait les métiers de chaque ville à améliorer et à soigner leur travail. L’œuvre des artisans du moyen âge peut soutenir, sur bien des ‘points avec avantage, la comparaison avec celle des artisans de l’époque moderne, pour l’habileté et le fini de la technique. Les règlements des métiers et des corporations ; leur caractère et leurs effets. — Chaque métier, sous la réserve de l'autorisation seigneuriale ou municipale, se. préoccupa de concilier les intérêts des producteurs et des , consommateurs. La réglementation corpora- tive ne s’inspira pas seulement de préoceupations égoïstes, mais encore d’un haut souci de probité