276 L’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL singulièrement élevée. Elles étaient sans doute grossières et brutales, accessibles à une grosse et grasse sensualité. Elles aimaient la taverne, le jeu, les ripailles. On repro- chait aux ouvriers leur humeur frondeuse et parfois leur insolence, leur paresse ou leur improbité. Le libertinage était fréquent et la moralité sexuelle médiocre. Mais dans l’ensemble un immense progrès avait été réalisé. Les patrons et les ouvriers avaient acquis les vertus de la liberté. Ils étaient passionnés d’indépendance, imbus de l’esprit d’égalité et de justice. Ils étaient rapprochés les uns des autres par la communauté de la formation profes- sionnelle et de la modestie des conditions matérielles de l’existence. Il n’y avait, en général, parmi eux, ni capita- listes, ni prolétaires. L’harmonie régnait alors dans le monde du travail, qui n’avait pour ennemis que les pou- voirs féodaux et le patriciat. Les artisans avaient la cons- cience de leur individualité et de leur valeur profession- nelle, le sentiment nouveau de la dignité du travail. À aucune époque, il n’y eut parmi eux autant de techniciens habiles, voire de véritables artistes. Des légions de maîtres d’œuvres, d’ymagiers ou de sculpteurs, de peintres, de miniaturistes, d’ivoiriers, de céramistes, de tapissiers,. de brodeurs, de huchiers, d’émailleurs, d’orfèvres, d’armu- riers élevèrent le travail jusqu’aux hauteurs de l’art. Les statuts corporatifs contribuèrent à créer et à maintenir une tradition de probité et de loyauté. Dans ces masses ignorantes s’est éveillée la curiosité intellectuelle. L’artisan envoie volontiers ses enfants aux Universités et aux écoles; déjà commence l’éternelle plainte des hautes elasses sur le danger de l’instruction populaire et sur le péril des déclassements. Toute une littérature se crée pour satisfaire ces aspirations d'esprit du peuple des villes, récits épiques et histoires romanesques débitées par les jongleurs et les chanteurs des rues, repré- sentations pieuses des mystères et joyeuses des comédies où soties, couplets satiriques des fableaux. ballades et