LA CONDITION DES CLASSES URBAINES DUT chansons sentimentales ou railleuses. Le peuple des villes aime les fêtes, les entrées, les cortèges, les mascarades, le spectacle des joutes et des tournois, Métiers et corpo- rations participent aux pompes des cérémonies publiques, avec leurs dignitaires revêtus de costumes éclatants, avec leurs bannières et les insignes de leur profession. Les travailleurs ont au plus haut point l’esprit de fraternité et de charité qui s'affirme dans leurs confréries ou amitiés, leurs fondations hospitalières, l’organisation des secours aux malades, aux veuves et aux orphelins. Cette solida- rité se manifeste aussi dans les coalitions qu’ils forment pour la défense de leurs intérêts et la revendication de leurs droits. Une foi naïve, parfois mystique, les anime et leur fait considérer l’église comme une maison du peuple, qu’ils décorent de chapelles, de beaux vitraux, de pein- tures et de sculptures. Ils y ont leurs saints protecteurs ; ils y font célébrer leurs fêtes ; ils y donnent parfois leurs divertissements. Le sentiment religieux s’exalte à l’occa- sion en eux et les rallie aux rôveries hardies des hérétiques, Vaudois, Fraticelles et Lollards, qui préconisent, au nom d’une révolution religieuse, les transformations radicales de l’ordre social. Quelques siècles de liberté et de prospérité ont suffi pour inaugurer ce monde nouveau dans les villes d’Oceident. Pour la première fois le travail a pris dans la société une place de premier ordre ; il y a fait reconnaître sa force. Le marchand et l’artisan réhabilités, évadés de la geôle du servage, sont devenus des hommes libres. Bien mieux, ils se sont posés en égaux du propriétaire foncier, du che- valier et du clerc. Dans la bourgeoisie riche et fière, dans le peuple indépendant et groupé en associations, s’est manifestée une nouvelle puissance, rivale de celles de la féodalité et de l’Église. Cette puissance s’est fondée sur la haute valeur sociale et économique du travailleur, jus- que là méconnue en grande partie par les vieilles sociétés aristocratiques de l’antiquité. aussi bien que par la société