LA RENAISSANCE AGRICOLE 285 En France, Cisterciens, Prémontrés, Chartreux, Tem- pliers, unis aux féodaux les mieux avisés, et secondés par les multitudes paysannes, transforment en herbages, en prairies, en terres de culture les provinces auparavant couvertes de grandes forêts, telles que l’Artois, la Picardie, le Ponthieu, l’Ile-de-France, la Normandie, la Cham- pagne humide, le Morvan, la Haute-Bourgogne, les pays meusiens et vosgiens, la Bretagne, le Poitou, les régions de la Loire, de l’Aquitaine et du Sud-Est. Un immense tra- vail de défrichement s’est fait en trois siècles qui a donné aux campagnes françaises leur physionomie actuelle. Dans l’Espagne chrétienne, si arriérée par rapport à l’Espagne musulmane, une colonisation intense, dont les agents furent les moines et les princes, aidés d'une foule d’immigrants d’origine française et des populations arra- chées au joug arabe (les Mozarabes), fit disparaître une grande partie des taillis, des landes. (hermes, yermos), des terres abandonnées (despoblados),en Roussillon, en Cerdagne, en Catalogne, dans le Bas-Aragon, la Galice et les Castilles, la Navarre et les Vascongades. Les paysans catalans surtout se distinguèrent par leur ténacité dans leur lutte contre un soi ingrat et, suivant le proverbe, firent du pain aveë les pierres. En Italie enfin, aussi bien dans les Deux-Siciles que dans les pays du centre et du nord, la forêt tomba sous la hache des pionniers. La terre inculte fut labourée ou irriguée, et nul n’eût reconnu dans le pays couvert de cul- tures, de vignobles et de plantations de la fin du xur°siècle, le territoire boisé et à demi désert de la fin du x°. C’est à cebte magnifique colonisation qui constitue l’un des titres de gloire de l’Occident chrétien, et où la France, par ses ordres monastiques ou par ses dynasties princières et ses émigrants, joua le principal rôle, qu’est due l’hé- gémonie économique des pays occidentaux, ainsi que l’essor splendide de leur production agricole, si fécond en résultats. L’Occident reprenait, en lui donnant plus d’am- pleur, l’œuvre de l’empire romain.