ÉMANCIPATION DES CLASSES 303 sitaires, leur contodini, comme en Italie, leurs pfahlburgen comme en Allemagne, qu’elles protègent et dont elles règlent le travail. Arles, par exemple, possède une seigneu- rie, plusieurs châteaux, des terres, des vignes, des étangs en Camargue. Lies bourgeois, de leur côté, aspirent à prendre place parmi les propriétaires fonciers ; ils y parviennent aisé- ment, en employant une large part des capitaux acquis par l'exercice du commerce et de l’industrie, à l’achat des propriétés que la noblesse aliène, ou à l’appropriation des terres incultes qu’ils font défricher. Dès lors commence la lente translation du sol rural entre les mains de la classe moyenne. Pour la première fois enfin, les masses rurales profitent du mouvement de colonisation et d’éman- cipation, pour conquérir à leur tour la propriété ou la quasi-propriété de ce capital foncier, qu’elles avaient dû jusque là se borner à faire fructifier pour autrui par leur travail. Le mouvement d’émancipation des masses rurales et ses causes. — Un événement capital en effet transforme alors la structure de la société occidentale et des sociétés hu- maines. C’est l’accession des classes agricoles, qui formaient les neuf dixièmes des populations de l’Occident, à la Liberté et à des conditions de vie supérieures. Pour la première fois-dans l’histoire universelle, les masses paysannes par- venaient, comme les masses ouvrières urbaines, à faire reconnaître la valeur sociale du travail manuel et du tra- vailleur. Leur affranchissement fut pour une faible part l’œuvre de la tradition égalitaire du christianisme et du droit romain. Parfois, en effet, les vilains sont affranchis au nom « du Christ qui a racheté les hommes du joug de servitude », ainsi que s’exprime une charte de 1233, ou encôre pour « le salut de l’âme » du maître qui émancipe, somme le disent nombre d’actes. Souvent rois et juris