CONDITION DES CLASSES RURALES 313 fondent souvent avec les ministériaux, avec les hobereaux (Knechte), voire même avec la chevalerie (ritterstand). On retrouve cette élite aux Pays-Bas. En- Flandre et en France, les privilégiés se glissent quelques fois dans les rangs de la noblesse, comme cet ancien serf de Saint-Benoît- sur-Loire qui devint, au XII° siècle, l’un des chevaliers les plus en vue de la Bourgogne. Le plus souvent, ils font souche de clercs, de fonctionnaires, de bourgeois de ville, ou bien de cogs de village, qui, suivant une satire, ont « assés de pas- ture, large de terre et grant avoir» En Espagne, spécialement en Roussillon, où il y eut au x1r° siècle plus de propriétaires paysans qu’il n’y en existe aujourd’hui, il suffit qu’ils aient exercé la charge de bayle ou juge sei- gneurial, pour qu’ils se mettent, comme les nobles, à monter à cheval et à manger du pain de froment. En Angleterre, les petits propriétaires paysans, d’ancienne origine (socagers) ou de nouvelle formation (freeholders, yeomen), prêtent au roi serment d’allégeance, font partic des jurys et des tribunaux (cours) de comtés, et se rappro- chent de la petite noblesse (gentry squire) qui mène la même vie laborieuse qu’eux. « L’orteil du paysan, dit un proverbe anglais que Shakespeare a recueilli, touche de si près le talon du gentilhomme qu’il l’écorche. » La formation et le développement de cette classe moyenne de petits propriétaires paysans, riches ou aisés, caractérisa cette période. Elle résulta, pour une large part, du mouve- ment d’émancipation. Les tenanciers censitaires et leur condition en Occident depuis le XII siècle. — Là masse des vilains d’Occi- dent forma la classe de beaucoup la plus nombreuse, celle des tenanciers censitaires, qui, sous des noms divers, parvint à obtenir la plupart des libertés civiles, mais resta soumise à des obligations variées, sans accéder à la propriété complète. Sur les terres eul-