96 LES ORIGINES HISTORIQUES DES PROBLÈMES ÉCONOMIQUES
vu le parti qu’un Trésor toujours obéré pouvait Lirer de cette
situation. Dès 152% le cardinal de Tournon, gouverneur de
Lyon (*), emprunte, emprunte à jet continu. Mais c’est surtout
à partir de 1543, lors de la reprise de la guerre entre Fran-
çois I” et Charles-Quint, que ces recours au crédit ont été sys-
tématisés. L’ambassadeur anglais Paget, signalant l'état dé
plorable des finances royales, montrait l’abondance des va-
pitaux disponibles à Lyon et sur d’autres places (?) ; il ajoutait
que ces capitaux, notamment les dépôts versés dans les
banques par les veuves et les orphelins, recevaient une rému-
nération de 5 à 8 % : or le roi veut s’en emparer et promet
un intérêt de 10 %, allant avec les étrangers jusqu’à 16. Grâce
à la pression exercée par Tournon, qui alla jusqu’à menacer
d’expulsion les étrangers récalcitrants, on obtient des Flo-
rentins 200.000 écus, 100.000 des Lucquois, 50.000 des Alle-
mands ‘les Welser, cependant liés par ailleurs aux Impériaux)
et 50.000 des marchands frariçais.
Ce texte immédiatement contemporain s’accorde très exac-
tement avec celui de Bodin, dans sa République, qui est de
1577 (p. 681) {°). Cette constitution d’un syndicat obligatoire
de prêteurs, c’est ce qu’il appelle « establir la banque à Lyon »,
ajoutant que Tournon, « à la suscitation de certains Italiens »,
persuada au roi qu’il y avait là un moyen infaillible « d’atti-
rer en France les finances de tous costez, et faire fonds à
l’advenir, pour en frustrer les ennemis ». Mais ce grand scep-
tique insinue que le cardinal avait dans l’opération un intérêt
personnel : il voulait placer à gros intérêts 100.000 écus
« qu’il avoit en ses coffres ». Quoi qu’il en soit le roi profita
si bien de ces facilités de crédit qu’à sa mort il était débiteur
envers « la banque de Lyon » — entendez le syndicat des em-
prunteurs — non seulement des 500.000 écus qui étaient dans
le Trésor de l’Epargne, mais de « quatre fois davantage ».
Henri II suivra la même politique. Dès 1548 les Italiens lui
prétaient le projet d’ouvrir trois autres « banques ». à Paris.
(*) Sur ces premières opérations financières, voy. Issac, Le cardinal de
Tournon, 1536-37, dans Rev. d’hist. de Lyon, 1. XI.
(2) Cal. Henry VIII, t, TX, n°8 103, 117.
(8) Cf. du VErpren, Prosopographie Iyonnaise (1563), Cl. de Ruers,
Privilèges de la ville de Lyon (1573) et le texte publié par A.'Chamberland
et H. Hauser (Revue historique. juillet-août 1929).