Full text: Les origines historiques des problèmes économiques actuels

LA CRISE FINANCIÈRE EUROPÉENNE DE 1559 99 
100.000 écus à 12 %. C’est tout le marché européen qui est 
saturé. 
Pour revenir au marché lyonnais, c’est le moment que 
choisit Tournon pour y lancer une opération d’une gigan- 
tesque envergure. Il s’inspira de deux ordres de précédents. 
D’une part, étant donné le peu de confiance qu’on avait dans 
les signatures royales, François I” avait fait appel au crédit 
public par le moyen des rentes sur l’Hôtel de Ville de Paris, 
comme le roi d’Espagne empruntait par l’intermédiaire des 
villes et provinces des Pays-Bas. D'autre part le plus auda- 
cieux des financiers allemands, Ambroise Hœchstetter, avait 
donné en 1528 l’exemple d’un appel direct aux moyens et pe- 
tits capitalistes, dont il recevait les dépôts, moyennant un Mo- 
deste intérêt, pour les employer dans ses colossales entre- 
prises. Il avait fini par une banqueroute, douloureuse pour les 
petites bourses, mais la formule restait. 
Je n’ai pas à redire ici comment le cardinal de Tournon 
la reprit dans ce qu’on appela le grand parti, ni à retracer les 
scènes pittoresques auxquelles donna lieu ce placement 
d'obligations, type d’une émission moderne lancée par un 
syndicat de banquiers, et qui devait servir à remplir les caisses 
de l’Ftat tout en amortissant la dette royale. Bodin a décrit 
ce rush en traits inoubliables - « On y couroit, dit-il, comme 
au feu. » (*) L'opération portait sur 2 millions 2/3 d’écus. 
Est-il possible de faire le compte ‘des sommes ainsi em- 
pruntées par les divers Etats” Nous ne le croyons pas. Trop 
d’éléments nous manquent pour que notre total soit même 
approximatif. D'autre part il y a des doubles emplois, car 
bien des obligations, par exemple celles des provinces ou cor- 
porations, n’étaient lancées dans le public que pour couvrir 
les emprunts consentis aux rois par ces entités. I] y avait 
donc superposition de crédits, l’inflation s’ajoutant à l’infla- 
tion. Et il nous est tout à fait impossible de mesurer l’impor- 
lance du crédit privé, c’est-à-dire des appels faits aux banques 
par les particuliers, surtout par les commerçants. Nous pou- 
vons seulement en avoir une idée grâce à la place que ces ques- 
(*) Michel Coquer, Livre d’arithmélique (Anvers, 1573) expose les moda- 
lités comptables de l’opération : le roi paiera 4 + 1 0/0 par foire (ou tri- 
mestre) durant 41 foires et sera quilte du tout. Les calculs de Coquet 
indiquent que les banquiers auraient été en perte.
	        
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