Full text: Les origines historiques des problèmes économiques actuels

LE PROBLÈME DES MATIÈRES PREMIÈRES 13 
approché de sa solution. On semble momentanément trouver 
plus sage de la laisser sommeiller. 
Mais est-elle si nouvelle qu’elle paraît? 
Le grand historien que l'Angleterre vient de perdre, sir 
William Ashley, a écrit ces paroles, riches d’un humour pro- 
fond : « Le hareng et le clou de girofle ont fait répandre 
plus de sang que toute autre cause, excepté la religion chré- 
tienne. » Cette formule irrévérencieuse, rapprochant en son 
raccourci le plus commun des poissons et l’une des plus 
rares épices, a le gros avantage de rappeler que, méme jadis. 
le problème ne se posait pas exclusivement, comme on le 
dit trop souvent, à propos de produits légers el précieux. 
Il est bien vrai que, dans les conditions anciennes du com- 
Merce, lorsque les vaisseaux jaugeaient cent, trois cents, excep- 
tionnellement huit cents tonneaux, lorsque les risques de la 
navigation étaient considérables, le grand commerce interna- 
lional portait surtout sur des produits de haute valeur spéci- 
fique. Comme l’antiquité avait connu les routes de l’ambre, 
de l’ivoire, de la soie, le xv° et le xvi° siècle ont cherché les 
routes des épices. Tout le drame qui ouvre les temps mo- 
dernes tourne autour de cette question. Le fameux girofle et 
le poivre, le gingembre et la cannelle, le sucre aussi, telles 
furent, avec l’or, les forces qui poussèrent les Portugais au- 
tour du continent noir, et qui, en jetant Colomb sur les routes 
de l’Inde, lui firent à son insu heurter un nouveau monde. Ce 
sont ces forces qui, entraînant la lente décadence de Venise, 
ont fait de la Méditerranée une mer fermée, orienté l’Europe 
vers l’Atlantique, préparé, après la prépondérance ibérique, 
d'abord la prospérité hollandaise, puis la grandeur de l’An- 
gleterre. Que de batailles navales dans la Mer Rouge et le Golfe 
Persique pour le monopole des inestimables épices, entre les 
flottes lusitaniennes et celles du sultan, que de guerres contre 
le More perfide, falso Mourro, détesté de Camoëns, mais aidé 
Par la Sérénissime République ! Que de hardis corsaires, 
Français d’abord, de La Rochelle et d'Olonne, de Bayonne 
et de Saint-Malo, Anglais plus tard, traités avec une atroce 
Cruauté par les Portugais qui défendaient jalousement leur 
Uonopole ! 
C’est contre ce monopole que, malgré la bulle de démar- 
cation. Charies-Ouint essaie de lutter en 1519. Il accueille les
	        
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