LE SEL DANS L'’HISTOIRE
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fois des pays producteurs et des pays acheteurs — à orienter
leurs recherches dans ce sens. C’est seulement en confrontant
leurs travaux que l’on pourra enfin mesurer toute l’impor-
tance du rôle joué par le sel dans l’histoire.
On se rendra compte aussi des raisons pour lesquelles ce
rôle, toujours considérable dans l’économie mondiale, n’a
plus cependant le caractère politique qui fut le sien jusque
dans les premières années du xrx° siècle.
En premier lieu, plusieurs pays qui passaient pour être plus
ou moins totalement dépourvus de sel ont découvert chez eux
des ressources salifères importantes, et les progrès techniques
ont singulièrement diminué la position des régions qui s’enor-
gueillissaient de la supériorité de leur sel. Il n'y a plus, en
réalité, de monopole géographique du sel {"). I suffit de con-
sulter les tableaux récents de la production par pays pour s’en
convaincre. La distinction entre pays producteurs et pays con-
sommateurs s’est atténuée, et il n’est plus au pouvoir d’un
Etat possesseur de marais salants ou de salines de ruiner un
peuple de pêcheurs en lui fermant ses « brouages » ou en lui
refusant l’accès de ses mines de sel gemme.
En second lieu, l’accélération des moyens de communica-
tion a changé complètement la position d’un important pro-
blème alimentaire, celui du poisson. Nous l'avons dit : le
rayon d’action du poisson de mer frais était limité aux dis-
tricts très voisins des côtes, et encore s’ils étaient traversés
par de bonnes routes ; en dehors de ces lieux privilégiés, on
he pouvait consommer à l’état frais que le poisson d’eau
douce ; de là, soit dit en passant, le soin avec lequel les ab-
bayes, observatrices des abstinences, entretenaient leurs
étangs ; de là les singulières habitudes qui faisaient maintenir
ou périodiquement remettre en étangs des terres où l’on aurait
pu se livrer, dans des conditions plus économiques et surtout
plus hygiéniques, au travail agricole, par exemple les terres
de la Dombes. Hormis le poisson d’eau douce, l’Europe ne
consommait donc, en général, que du poisson salé, auquel
l’ingéniosité néerlahdaise ajouta le poisson fumé.
(1) Il serait très intéressant d’étudier la disparition progressive des
marais salants de la France de l’Ouest. Non seulement ceux de Brouage
ne sont plus guère qu’un souvenir, mais ceux de la Seudre et d'Oléron
disparaissent peu à peu devant l’ostréicutture.