RÉFLEXIONS SUR L'HISTOIRE DES BANQUES 87
l’Amérique. Quelle tentation, même pour le nouveau Cons-
lantin, de profiter de ces relations entre ses anciens et ses
nouveaux sujets pour se procurer, Sur les places étrangères.
du blé ou du change ! On saura, un jour, comment les Le-
gendre de Rouen, « nouveaux catholiques », travaillaient avec
les Legendre d’Amsterdam au ravitaillement du royaume {).
Ft Samuel Bernard, fils de huguenots, ne rait-il pas au ser
vice du roi le crédit dont il disposait par toute l’Europe?
Quelques-uns étaient, en France même, restés huguenots,
ou le redevinrent. En 1759, aux heures les plus sombres de la
guerre de Sept Ans, devant le Trésor vide, ne formèrent-ils
pas, ceux de La Rochelle, de Bordeaux, de Nîmes, le projet
d’une grande banque protestante qui aurait prêté de l'argent
au roi (*) — cinquante millions — contre la reconnaissance
des registres du Désert? L’édit de Tolérance de 1787 eût été
avancé de près de trente ans et lié à une opération qui donne
une idée de la puissance financière de ces banquiers hugue-
nots. Les signatures étaient données, les souscriptions étaient
prêtes…
L'esprit huguenot — cet esprit que les théoriciens re-
trouvent dans la banque d’Amsterdam — faisait aussi la force
de la- banque genevoise. Elle devient une puissance dès la fin
du xvn° et au xvi° siècle. On nous parle toujours de Necker,
parce que ce banquier est devenu ministre. Mais combien
d’autres, les Thélusson, les Fatio, etc., ont agi sur la politique
suropéenne, tantôt assurant le règlement des affaires de la
France, protectrice, tantôt, aux heures graves, favorisant sur
le terrain helvétique les manœuvres de Guillaume II, plus
tard formant avec Londres et Amsterdam une sorte de trinité
du crédit européen !
Entre ces capitales du crédit, l’enlente n’est pas toujours
sordiale. La Banque d’Angleterre était née d’une alliance
anglo-hollandaise pour ruiner le commerce français. Mais,
Jans la guerre d’Amérique, nous assistons à une sorte de duel
(1) On trouvera, sur eux, des détails dans une thèse en préparation de
M. Meuvret sur les subsistances sous Louis XIV.
(?) Mentionnée dans DEnrev, Histoire politique des protestants français,
t. L, p. 365-369 ; voir Dez, Protestants de l'île de Ré. Un de nos étudiants,
M. Braemer, a écrit, sur ce suiet.‘un mémoire pour le diplôme d'études
supérieures.