LE RÉGIME FÉODAL DES CLASSES GOUVERNANTES 155
avant tout dans la terre, bien qu’on ait aussi donné en
fief des charges ou offices et des pensions ou des rentes
perpétuelles. La terre noble est, en principe, une propriété
conditionnelle etrévocable, sur laquelle le concédant
conserve un droit supérieur (le dominium), mais elle n’a
pas tardé à devenir en fait une propriété transmissible,
aliénable même, sous certaines réserves destinées à garan-
tir l’exécution des obligations pécuniaires et militaires
auxquelles le vassal est astreint. Ce dernier en devient le
concessionnaire, par la cérémonie symbolique de l’inves-
titure, moyennant le paiement d’un cens. Après le x1° siècle
un procès verbal (aveu) de la concession est dressé, et un
inventaire (dénombrement) des biens concédés est exécuté.
En France et dans les pays où prévaut le régime féodal
français, à savoir l’Angleterre, les Deux-Siciles, la Marche
d’Espagne, toute terre est présumée soumise au système
du fief. Ailleurs, en Italie par exemple, un titre est néces-
saire pour que cette qualité soit reconnue à la terre. De
même Phérédité du fief s’est établie dans le nord et le
centre de la péninsule italienne plus tard qu’en France,
en vertu de la constitution impériale de Pavie (1036).
Dans le royaume de Castille, une partie seulement des
propriétés féodales (honores, tierras de sehorio) ressemble
au fief français; beaucoup d’autres terres (tenencias,
encomiendas, mandaciones) ne sont concédées qu’à titre
viager, temporaire et révocable par les rois, pendant la
période de la reconquête. En Allemagne, où le régime
carolingien a laissé de profondes survivances, la transmis-
sion du fief (lehn) reste soumise à de nombreuses restric-
tions ; il demeure inaliénable, impartageable et on n’ad-
met à succéder que la ligne masculine directe. Il ne se
confond avec la terre noble que s’il est concédé à un soldat
ou à un fonctionnaire, et l’adage français (nulle terre sans
seigneur) reste inconnu du droit germanique comme du
droit italien. On connaît enfin en Allemagne un mode de
tenure ou de bénéfice inférieur au fief, l’eègen ou dienstgui