Full text: Le travail dans l'Europe chrétienne au moyen âge (Ve-XVe siècles)

182 L’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL 
à sévi. En Angleterre, on conserve le souvenir terrifiant 
des disettes de 1086 et de 1125. Toute l’Europe occiden- 
tale a connu à tour de rôle cet épouvantable fléau qui 
décimait la population de régions entières et qui amenait 
le réveil des pratiques de la bestialité primitive. Les priva- 
tions et l’absence d’hygiène multipliaient aussi les épidé- 
mies de peste et de lèpre. Tel était pourtant l’effet de la vie 
du foyer et des facilités d’établissement des familles sur le 
sol, que les vides se comblaient, et qu’en dépit de la misère, 
le peuplement progressait, au point de rompre l’équilibre 
entre la production des subsistances et la consommation. 
Mais cette fécondité créait une gêne nouvelle dans ces pays, 
où la colonisation n’ouvrait pas encore aux populations 
misérables une issue vers une meilleure existence matérielle. 
Pire encore peut-être était la condition morale des 
classes rurales. Une passivité morne était l’état d’esprit 
de la plupart. Le vilain livré à lui-même ne trouvait de 
consolation dans son isolement qu’au sein de la famille, 
de l’association villageoise (consorteria), que dans la parti- 
cipation aux cérémonies et aux croyances de la vie chré- 
tienne, mises à sa portée dans les milliers de paroisses qui 
s'étaient créées en Occident. Mais le vieux fond ancestral, 
que ne refoulait pas l’éducation, s’était maintenu en lui, 
comme chez ses maîtres, avec son cortège d’ignorances, 
de superstitions, de brutalité, de cruauté, de grossièreté 
et de violence. La bassesse, l’abjection, la fourberie de la 
foule des vilains et des serfs étaient le triste héritage de 
siècles d’oppression, auxquels le régime féodal ajoutait la 
sienne. Nul n’essayait de relever ces classes inférieures, de 
leur inculquer le sentiment de la dignité humaine. La 
société aristocratique, qui méprise le vilain, n’a pas su 
l’améliorer, en le traitant en homme. En dépit des maximes 
évangéliques sur l’égalité des chrétiens devant Dieu, qui se 
retrouvent parfois dans les sermons des prédicateurs et 
les écrits des théologiens, les classes possédantes consi- 
pèrent le vilainage et le Servage comme des institutions
	        
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