Full text: Le travail dans l'Europe chrétienne au moyen âge (Ve-XVe siècles)

186 L’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL 
tution militaire de la chevalerie transformée devint pour 
une élite un instrument de moralisation, qui tendit à 
mettre la force au service du droit, à garantir la paix 
publique et à protéger les foules laborieuses contre la 
violence et l’anarchie. Dans la haute société naquirent les 
vertus chevaleresques de l'humanité et de la courtoisie, 
résultats de l’adoucissement des mœurs. Mais cette trans- 
formation de la société féodale n’eut que des effets res- 
treints. Elle agit fort peu sur la condition des classes 
sujettes. En fait, la liberté resta, pendant les deux premiers 
siècles de l’ère féodale, limitée aux nobles. Les termes de 
libre (liber) et de baron ou de soldat (miles) demeurèrent 
longtemps synonymes. Le sentiment de l'égalité qui 
régnait dans la société féodale, dont tous les membres, 
jusqu’au plus humble, se regardaient comme des pairs, ne 
dépassa point les limites de la classe aristocratique. Les 
classes inférieures, la masse immense des travailleurs 
demeurèrent méprisées, et l’institution chevaleresque elle- 
même modifia fort peu les rapports des seigneurs et des 
vilains. 
En fait, le gouvernement féodal ne parvint jamais à 
remplir d’une manière efficace les fonctions tutélaires 
d’un pouvoir régulier, protecteur permanent et éclairé 
du travail. Né de la terreur des invasions, du besoin de 
protection contre l’anarchie, il ne fut pour les sujets 
qu’une dictature militaire prolongée, avec tous les incon- 
vénients d’un despotisme établi sur la force brutale. Une 
hiérarchie mal fixée, au lieu de l’ordre, n’y engendra que 
la confusion, et la liberté du contrat féodal y perpétua 
l’indiscipline. Plusieurs centaines de milliers de petits 
souverains locaux turbulents et brutaux, servis ‘par des 
agents avides peu scrupuleux et ignorants, firent peser sur 
les classes sujettes une tyrannie tracassière, qui ressem- 
blait souvent à une sorte de brigandage régulier. Un 
système fiscal grossier et incohérent érigeait l'arbitraire 
et l’extorsion en système. « Les seigneurs, avoue un clerc
	        
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