LA RENAISSANCE DU TRAVAIL, POUVOIRS PUBLICS 191
monastiques français sont à la tête de ce mouvement de
rénovation. Sous l’inspiration de l’idéalisme religieux
professé par nos moines, les grands papes du moyen âge,
de Grégoire VII à Innocent III, ont dégagé en partie
l’Église des liens féodaux qui risquaient de l’étouffer et
lui ont donné hardiment la direction du progrès. Ils ont,
de concert avec nos Cluniciens et nos Cisterciens, restauré
la notion de l’autorité, la conception de la solidarité des
intérêts de la chrétienté occidentale, et essayé de rétablir
dans l’Europe féodale l’ordre.et la paix publique. L'Église
aide les gouvernements monarchiques à se reconstituer ;
elle exerce sur eux le rôle de ‘tutrice, qui ne leur était pas
alors inutile. Ses docteurs font revivre la tradition chré-
tienne et romaine de l’État, protecteur de la collectivité
laborieuse et défenseur des intérêts collectifs. Elle propage
dans tout l’Occident le fonds commun de la civilisation
chrétienne. Elle proclame la nécessité et la dignité du
travail. Elle est le seul groupement qui s’ouvre aux classes
populaires, et où le fils du vilain ou de l’artisan peut s’éle-
ver jusqu’à la mitre, voire même à la tiare, comme l’ancien
gardeur de pores Nicolas Breackspeare (Adrien IV). Forte
de sa puissance spirituelle et temporelle, recrutée dans les
élites grâce au principe électif, dotée d’un gouvernement
centralisateur que servent les milices monastiques tou-
jours accrues, elle a eu vraiment, dans cette période du
moyen âge, l’honneur de promouvoir le développement
social et économique, la civilisation matérielle, comme
la civilisation intellectuelle et morale.
Ses papes et ses conciles, ses moines et ses clercs, essaient
de régler la féodalité, d’en adoucir les mœurs, d’en élever
l’idéal par l’institution chevaleresque. Ils tentent de réfor-
mer les abus du gouvernement seigneurial et d’empêcher
l’exploitation des sujets. En 1179, le concile de Latran ose
condamner les tailles arbitraires. Au XITI° siècle, on a vu les
Franciseains encourager le mouvement d’opposition au paie-
ment des cens seigneuriaux, seconder l’émancipation des