224 L’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL
moyennant la fourniture de prestations, et qui s’organise
d’une manière plus indépendante. L’artisan travaille sur
commande, à la pièce ou à la journée, en chambre ou au
domicile d'autrui, sur les matières qui lui sont fournies,
mais avec un outillage qui lui appartient, sans avoir besoin,
ni de capitaux, ni d’intermédiaires. Il est payé directe-
ment par le client en argent ou en nature. Si son travail est
irrégulier, du moins il est entièrement libre et il en perçoit
l’intégrale rémunération. Toutefois, ni le travail domes-
tique ni le travail loué ne se prêtaient à cette production
active pour: le marché, que l’évolution économique du
moyen âge rendait nécessaire. Aussi diminuent-ils l’un et
l’autre d’importance, tandis que se développe la forme
par excellence de la petite industrie urbaine, à savoir le
métier ou le travail en atelier.
L’artisan devient alors surtout un petit entrepreneur,
dont le centre d’activité est l’ouvroir où il travaille, aidé
des siens ou de quelques apprentis et ouvriers (compa-
gnons). Il détient tous les moyens de production : d’abord
le capital, c’est-à-dire la matière première et l’outillage
qu’il s’est procuré, puis la main-d’œuvre qu’il fournit
lui-même et à laquelle il associe un petit nombre d’auxi-
liaires. Son entreprise, par ses modestes proportions,
n’exige pas le louage de capitaux, de sorte qu’il peut perce-
voir l’intégralité du produit de son travail. Tantôt, il
besogne à prix fait pour une clientèle dont il a reçu les
commandes. Tantôt, il travaille pour le marché local ou
régional, soit qu’il vende sa marchandise à l’étalage au
devant de son ouvroir, soit qu’il l’apporte lui-même à la
halle ou sur la place, soit qu’il la vende sans intermédiaire
au marchand. S’il ne produit guère au delà de la quantité
normale de ses ventes, si son gain est par suite limité, du
moins ce gain est stable, et il ne le partage avec personne.
Aussi, est-ce le métier qui attire la masse des artisans,
surtout dès qu’ils sont émancipés. C’est grâce à lui qu’ils
se font « un sol d’or », suivant le pittoresque proverbe