Full text: Le travail dans l'Europe chrétienne au moyen âge (Ve-XVe siècles)

16 LE TRAVAIL PENDANT LE HAUT MOYEN AGE 
ennemi ou en suspect n’avait aucune garantie pour sa vie 
ou pour ses biens, dans un pays où la piraterie et la razzia 
continuelle passaient pour des moyens légitimes de suppléer 
à l’insuffisance de la production. 
Les Germains étaient demeurés des bêtes de proie. 
Tapis dans leurs forêts et leurs marécages, îls y vivaient 
en groupes familiaux, barricadés dans leurs villages (dorjer), 
leurs hameaux (weiller), leurs fermes (cinode, hufen), dans 
leurs huttes ou cabanes (hall, sala), encloses de fossés, 
de haies et de palissades, gardées par des chiens féroces, 
dissimulées dans l’épaisseur des bois, derrière des rideaux 
d’arbres, juchées sur des tertres ou dans des îles. Ils 
avaient en horreur les villes et ne possédaient qu’une cen- 
taine de lieux de refuge (oppida) fortifiés, pour s’y mettre 
à l’abri dans les cas les plus graves. Ils portaient des 
braies et des tuniques de laine ou de toile, des saies de 
peaux de bêtes, allaient pieds nus, se paraient de grossiers 
ornements, et certains, comme les Hérules, se tatouaient 
le visage. Leur nourriture formée de lait, de fromage, 
de lard et de grosses viandes, arrosée à l’occasion de cer- 
voise, était subordonnée aux incertitudes de la chasse, 
de l’élevage et des récoltes. Les famines décimaient ces 
populations ou les jetaient au dehors sur les chemins de 
la guerre. Orgueilleux et fiers, capables à l’occasion de 
discipline et de dévouement, braves et pleins de mépris 
pour le danger, les Germains menaient une existence miséra- 
ble, incertaine et périlleuse, qui avait développé en eux 
les instinets de convoitise, de grossièreté, de brutalité, 
le mépris des faibles et des vaincus, la griserie du sang, 
la volupté de la souffrance infligée (schädigkeit). Des 
haines inexpiables les divisaient entre eux. Supersti- 
tieux et ignorants, paresseux et ivrognes, querelleurs et 
violents, ces grands fauves, talonnés par la misère et par 
la faim, sentaient s’exaspérer, sous l’aiguillon de la néces- 
sité, leurs convoitises séculaires allumées au spectacle de 
la civilisation d’un Empire, où la vie leur apparaissait
	        
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