Full text: Le travail dans l'Europe chrétienne au moyen âge (Ve-XVe siècles)

326 L’APOGÉE DU TRAVAIL MÉDIÉVAL 
raillaient ou les méprisaient leur durent de ne jamais 
manquer de ce pain. qu’elles n’avaient pas semé, et de 
vivre dans l’oisiveté des fruits du travail dont elles 
n’étaient pas capables. Attachés de toute leur âme à la 
terre nourricière, les paysans l’arrachèrent à la stérilité 
et ils fécondèrent de leur sueur le sol de l’Occident. 
Respectueux de l’autorité religieuse sans servilisme, ils 
surent à l’occasion tenir tête à une Église trop préoceupée de 
sa domination temporelle. Peu à peu, ils s’éveillèrent même 
à la vie de l’esprit. Leur verve fine et railleuse s’allumait 
en Italie, en France, aux Pays-Bas et en Espagne. L'’être 
de cervelle courte et engourdie, que dépeignent les fableaux, 
apprécia bientôt les bienfaits de, l’instruetion, poussa 
parfois ses enfants aux écoles, arriva à émanciper son 
intelligence et sa raison. En certains pays, commela France, 
apparut même l’esprit de sociabilité parmi les habitants 
des ‘campagnes. Partout, le paysan manifesta par une 
multitude d’œuvres d’assistance la puissance de ses senti- 
ments de charité, de même qu’il attesta la vigueur de son 
esprit de solidarité dans les nombreuses communautés de 
famille, dans les associations de culture, d’élevage, de 
protection mutuelle qu’il multiplia. Une élite rurale se 
Montrait même capable de générosité, de dévouement, de 
bravoure, de libéralité, et plus d’un Paysan se révélait par 
le cœur l’égal du gentilhomme. Elle acquérait, notamment 
en Angleterre et aux Pays-Bas, le sentiment de Sa valeur ; 
«ie paysan flamand, disait une chanson, s’imagine, quand 
il est ivre, que le monde lui appartient. » Sortant de son 
humilité, le vilain raisonnait, discutait, plaidait. Une 
force nouvelle était née, dont la société médiévale ne soup- 
gonna pas d’abord la puissance, mais qui, se révélant peu 
à peu, transforma profondément l’Occident. Elle y donna 
à la richesse matérielle une impulsion irrésistible. Elle y 
accrut le bien-être. Pour la première fois, les multitudes, 
qui vivaient surtout dans les campagnes, connurent avec 
la liberté, la douceur de vivre. Elles dotèrent la société
	        
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