28 LE TRAVAIL PENDANT LE HAUT MOYEN AGE
populations romaines épargnées par'les vainqueurs en
Grande-Bretagne, dans les régions danubiennes et rhé-
nanes, voire même en Gaule, en Belgique et en Italie (à
l’époque lombarde), fut ainsi réduite en servitude. La
domesticité de l’aristocratie (pueri, ancillæ) fut recrutée
de cette façon. La culture des champs ou la garde des
troupeaux fut en partie imposée à des bandes d’esclaves
(servi rustici, mancipia). Les lois parquèrent ces hommes,
de nouveau assimilés au bétail et au fonds d’exploita-
tions, dans leur affreuse condition, rendirent les affran-
chissements plus rares et plus malaisés, interdirent les
mariaÿes entre les personnes libres et les individus asservis.
Elles rétablirent en faveur des maîtres le droit de vie et de
mort. Elles livrèrent les esclaves presque sans défense à
l’atrocité et aux fureurs bestiales des propriétaires. L’énu-
mération des sévices dont les hommes de condition servile
furent victimes, ablations des oreilles, du nez, des yeux,
de la langue, des mains, des parties génitales, et celle des
tortures variées auxquelles ils étaient soumis, remplit des
colonnes entières des codes barbares et provoque le fris-
son. On était loin du grand courant d'humanité qui, depuis
le 11° siècle jusqu’au IVe, avait marqué sa trace dans la
législation romaine relative à l’esclavage.
Toutes les garanties, dont la civilisation antique finis-
sante avait entouré la vie et les biens de l’individu, dispa-
rurent dans l’anarchie séculaire déchaînée par les Barbares.
Chez ceux-là même qui se sont par un long séjour dans
l’Empire à demi romanisés, Visigoths, Ostrogoths,
Francs, des réveils soudains de la férocité ancestrale
transforment ces hôtes en meurtriers déchaînés. Alaric
et les siens en Béotie, en Attique, en Thessalie, en Macé-
doine, ont tué les habitants, emmené les femmes et le
bétail. « Il n’y a plus pour nous, avoue l’évêque de Mar-
seille, Salvien, l’apologiste des Barbares, ni paix ni sécu-
rité. » Et un autre contemporain, Prosper d’Aquitaine,
s’écrie vers 416': « Il v à dix ans que nous tombons sous