RÉVOLUTIONS ET CLASSES URBAINES 405
constitue enfin, dès lors, un prolétariat rural analogue au
prolétariat urbain, et qui se livre, comme celui-ci, au vaga-
bondage et à la mendicité. La société médiévale légue à
l’ère moderne ces deux maux destinés à s’aggraver, et déjà
se pose dans les campagnes avec autant d’acuité que dans
les villes le redoutable problème du paupérisme.
La renaissance du servage et de l'esclavage en Europe. —
Dans les pays d’Occident, à l’état sporadique, et dans
ceux de l’Europe centrale, septentrionale et orientale, sur
de vastes proportions, se produit même alors une véritable
régression. Le servage, qui déclinait et qui semblait ‘sur le
point de s’éteindre, reprit une vigueur nouvelle, lorsque la
pénurie de main d’œuvre se fit sentir. Il fut extirpé avec plus
de difficultés dans les régions clairsemées de l’Europe occi-
dentale où il avait survécu, et il s’établit ou progressa
dans une grande partie du continent, à l’Est et au Nord.
En Occident, où il subsiste sous la forme atténuée de la
main-morte qui pèse plus sur la terre que sur la personne, il
se maintient obstinément dans le Frioul, le Montferrat,
te Piémont, l’Aragon, les Baléares et la Haute-Catalogne,
la Marche limousine, la Champagne, le Nivernais et diverses
régions de la France de l’Est, dans le Luxembourg, le
Namurois, la Drenthe, la Gueldre, lOver-Yssel, et il compte
1 p. 100 de la population rurale de l’Angleterre. Dans les
États espagnols, on réduisit même au servage les labo-
rieuses populations musulmanes des mudejares et des J uifs,
qui avaient, à l’époque antérieure, joui de franchises
étendues.
Mais ce fut surtout dans le reste de l’Europe que
se produisit une renaissance servile, favorisée par le
progrès de l'influence des classes féodales. Dans l’Alle-
magne du Nord, notamment en Poméranie, en Mecklem-
bourg, en Brandebourg, et même dans les pays autrichiens,
Styrie, Carinthie, Carniole, non seulement les vieilles
populations slaves, mais encore nombre de vilains (hôrigen)