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La course aux banques et aux caisses d'épargne, pour retirer
les dépôts, fut alors presque générale. On accaparait non seulement
les espèces de haut prix, mais aussi les pièces divisionnaires et d’ap-
point, et jusqu’aux coupures d’État de dix et cinq lires et aux billets
de banque de cinquante lires. Le mzoratorium et la fermeture des
Bourses s’'imposèrent, sans quoi la crise serait devenue plus grave
et dangereuse.
L'Italie, du reste, ne fit en cela qu’imiter des pays jugés, à
tort ou à raison, plus calmes et mieux disciplinés que le nôtre.
Le décret-loi du 4 août, qui se ressentait un peu de la hâte
qui l’avait dicté, fut suivi par d’autres décrets qui réglèrent de façon
de plus en plus précise, au profit du public, les modalités du 7m0-
ratorium. Il y eut, de plus, des dispositions complémentaires utiles,
prises avec sagesse, au sujet de la circulation, dont nous donnerons
plus loin le détail.
Il ne nous semble pas non plus nécessaire de nous arrêter aux
questions qu’on a soulevées à l’occasion du moratorium, surtout
en ce qui concerne son application aux dépôts dans les Banques sous
toutes les formes. Nous qui avons étudié de près les motifs essentiels
qui ont nécessité le moratorium, nous qui en avons suivi pas à pas
l’action et avons pu en mesurer, jour par jour, les résultats, nous
ne pouvons pas lui attribuer tous les griefs dont il a été accusé.
L'expérience s’est chargée de démontrer que plusieurs de ces
allégations pessimistes manquaient de base, et que le remède éner-
gique d'augmenter instantanément la circulation des billets pour des
centaines et des centaines de. millions, même s’il avait été possible,
aurait pu avoir des conséquences bien autrement graves et dange-
reuses que celles qu’on a attribuées au moratorium facultatif, appliqué
raisonnablement, avec une équitable perspicacité, parle Gouvernement
et les établissements de crédit italiens. Il suffit d’ailleurs de songer à
l'impossibilité pratique de mobiliser rapidement, pour en faire de
l'argent, les quelques deux milliards de créances de nos banques,
grandes et petites, caisses d’épargne ordinaires et caisses rurales,
pour comprendre à quoi aurait abouti la réalisation du projet ex-
pansionniste caressé dans certains milieux.
En tout cas, pas un esprit jouissant de son équilibre n’aurait
pu concevoir l’idée de forcer la Banque d’Italie, la Banque de Naples
et la Banque de Sicile à prendre, les yeux fermés, le portefeuille
de tous les établissements pressés par leurs déposants, méfiants ou
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