VIII
PRÉFACE
si notre plan avait comporté le dépouillement des seuls documents offi-
ciels, on n’aurait guère pu aller au delà, car une fois certains documents
catalogués comme « secrets », il y a peu de gouvernements assez coura-
geux pour oser briser les scellés. Par suite, des mines de matériaux indis-
pensables à l’historien lui restent inacessibles, quoique leur publica-
tion ne puisse présenter bien souvent aucun inconvénient. Tant que
l’état d'esprit né de la guerre pesait ainsi sur nos recherches et risquait
de les entraver pendant bien des années encore, il fallait découvrir
quelque autre solution.
Heureusement, cette solution a pu se trouver grâce aux souvenirs
et aux impressions personnels, appuyés d’ailleurs sur des documents
dignes de foi, de ceux qui, au cours de la guerre, ont participé à la direc-
tion des affaires ou qui, simples observateurs, mais favorablement pla-
cés, ont pu recueillir de première ou de seconde main une connaissance
précise de certaines phases de la guerre et de leurs conséquences sociales.
C’est ainsi qu’a pu être établi le plan d’une série de monographies his-
toriques ou descriptives où les faits seront exposés, non à titre officiel,
mais néanmoins de source autorisée, monographies qui se classent à
mi-chemin entre le type des mémoires personnels et celui des rapports
officiels. Ces monographies constituent le principal de notre œuvre.
Elles ne sont pas limitées aux faits de guerre ni même à ses suites immé-
diates, car l’histoire de la guerre se prolongera longtemps après que
celle-ci aura pris fin. Elles doivent embrasser aussi la période de « défla-
tion » au moins assez pour permettre de se faire, sur les perturbations
économiques dues à la guerre, un jugement plus sûr que ne le permettrait
le seul examen des faits immédiatement contemporains.
Avec cette nouvelle phase du travail, la tâche des directeurs a pris
un nouveau caractère. Le plan des monographies a dû être compris en
raison des collaborateurs disponibles plutôt qu’en raison des matériaux
existants, comme c’est le cas dans la plupart des histoires, car les sources
étaient aux mains des collaborateurs eux-mêmes. Ceci, à son tour,
impliquait une nouvelle attitude à prendre en face du double idéal
d’exactitude et d’objectivité auquel doit toujours tendre l'historien.
Pour permettre à chaque collaborateur de donner toute sa mesure, il
fallait éviter de l’enfermer dans le cadre d’un programme trop rigide,
il fallait prévoir que les mêmes faits seraient présentés sur des plans
différents et vus sous des angles variés, et que des événements y seraient
compris qui ne rentrent pas strictement dans les limites de l’histoire. Il
ne fallait même pas vouloir obtenir partout une stricte objectivité.
On ne pouvait empêcher une certaine partialité, née des nécessités de
la controverse et de la défense. Mais cette partialité même est dans bien
des cas une partie intégrante de l’histoire, les appréciations des faits