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LES DÉPENSES DE GUERRE DE LA FRANCE
peur la réparation des pertes éprouvées par l’État ou les localités, et
aussi celles des particuliers. De même qu’on distingue le revenu public
et le revenu national, de même on peut distinguer les dépenses publiques
de guerre et les dépenses nattonales de guerre.
Dès que l’on se place au point de vue national, l’étude du coût de la
guerre pour un pays devient extrêmement vaste et difficile. Au premier
rang figurent les pertes nationales de guerre qui ne se traduisent pas
seulement par des dépenses : pertes en vies humaines, blessures ayant
rendu les victimes impropres à la production économique ou moins
actives pour la production. Il faut y ranger aussi toutes les pertes et
destructions de biens, réparables sans doute, mais qui entraînent une
diminution de'la production économique nationale.
Voilà quelques exemples que l’on pourrait multiplier. On voit tout
de suite quels obstacles se dressent sur la route de celui qui cherche à
évaluer le coût total de la guerre pour un pays donné.
Pour calculer le coût de la guerre, 1l n’y a qu’un étalon de mesure :
la monnaie. Mais comment évaluer en monnaie les pertes des vies
humaines, la diminution de production des grands blessés ?
Et s’il s’agit de biens dévastés, comment mesurer, en monnaie, le
manque à gagner résultant d’une dévastation des richesses naturelles
d’un pays, mines, forêts ?
Il faut aller plus loin. Les pertes les plus graves qu’a entraînées la
guerre de 1914 sont d’ordre social et moral. Ce sont les pertes indirectes.
On peut affirmer que ces conséquences sociales et morales sont infini-
ment plus néfastes que les pertes d’argent, les destructions matérielles,
les manque à gagner purement économiques. La guerre a modifié
considérablement les habitudes des hommes qui y ont pris part, direc-
tement ou indirectement. La chose est certaine pour les individus qui
ont été appelés sous les drapeaux. La vie des camps, prolongée comme
elle l’a été, dans les conditions que l’on sait, a diminué le goût du tra-
vail, développé la brutalité naturelle, assoupie par la civilisation ; elle
l’a réveillée et surexcitée. Les atrocités de la guerre ont durci les cœurs.
Pour beaucoup de non-combattants, la guerre a entraîné des priva-
tions, un appauvrissement, un déclassement social. Pour d’autres, la
démoralisation a dépassé tout ce que l’on peut imaginer. Nombreux sont
ceux qui ont tiré profit des malheurs de la patrie, réalisé en quelques
mois des fortunes énormes. Ce spectacle immoral a diminué le goût du
travail patient, a provoqué le désir d'acquérir vite de grosses fortunes
par la spéculation et non par une vie de travail continu. La régression
de la civilisation est certaine.
Ce n’est pas tout. On a fait un tel appel au sentiment patriotique,
à la haine contre l’étranger, que l’esprit public a été radicalement