— a;
faute. Ce fut le sentiment du phénomène que les économistes quali-
flaient cruellement de « perte de substance (1) ».
En présence de tels maux, que comptent les prétendus avantages
de l’inflation? La dépréciation du change a pu, à certains moments,
favoriser sous un certain sens l’industrie. Il en fut ainsi de l'Allemagne
pendant la crise du mark; il en a été ainsi depuis un an en France.
Mais c’est un état malsain pour le reste de la nation et il provoque
des réactions démoralisantes dans les pays voisins. Ainsi, par exemple,
en France où le dollar, d’avril 1025 à avril 1926, est passé de 19 à
30 francs, l’industrie textile par ses bas prix porte un préjudice grave
aux textiles de Grande-Bretagne, Belgique, Suisse, Autriche et autres
pays. Et l’industrie entière, incertaine de son lendemain, est obligée
de renoncer à tout plan à longue échéance pour se réfugier elle-même
dans la spéculation et vivre à la petite semaine.
Qu'on se souvienne que les changements économiques ou sociaux
les plus importants et les plus désirables n’ont pas toujours pour
origine des événements éclatants et brutaux. À lire les courbes lentes
mais fatales des diagrammes statistiques qui mémorisent les faits,
on est consterné de constater comment, à quelques années d’inter-
valle, on a pu assister soi-même, agent actif ou passif, à des faits
révolutionnant toute une situation.
B. Crise économique à causes profondes.
Ce qui aggrave la crise monétaire, c’est qu’elle n’est pas seule. Elle
se développe au milieu de la crise économique générale. Le fait domi-
nateur reste celui-ci : la guerre mondiale a coûté aux États, en
y comprenant l'évaluation des vies d’hommes et les destructions
de propriétés, une somme totale de 200 milliards de dollars (chiffres
présentés lors du budget de la Chambre à Washington). Les frais
de guerre totalisés qui étaient en 1914 de 10 milliards annuellement
s'étaient élevés à 70 milliards en 1918. C’est cette somme énorme qu’il
s’agit, d’une manière ou d’une autre, de répartir directement ou indi-
rectement jusqu’au dernier habitant du globe. Consécutivement à ce
fait cardinal en est survenu un autre. « Après la guerre une crise écono-
» mique d’écoulement commence à se faire jour, d’abord au Japon,
» puis aux États-Unis. Au milieu de l’année 1920 (juin-juillet), elle
)» se propagea à la plupart des pays extra-européens et à l’Europe
» même. La crise plaça soudain nombre de peuples devant un nou-
» veau problème plus grave encore et plus troublant : le refus des
» marchés d’absorber les produits, la baisse foudroyante des prix,
» l'arrêt de la production par manque de débouchés, le chômage —
» un chômage d’une extension sans précédent. » (Enquête sur la pro-
duction du Bureau international du Travail, t. V, p. 1540.)
(1) LEWINsouN, R., L’Inflation. L'Histoire de la maladie en Allemagne.