LES AVANCES AUX FOURNISSEURS
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de fabrication américaine, pencha de plus en plus contre la France.
Alors qu’à la fin de 1914, le cours du change sur l’étranger était en
faveur de la France, dès le premier mois de 1915, la situation changeait
radicalement. Brusquement, on constatait à Paris une élévation consi-
dérable du cours du change sur New-York et sur Londres. Or, il est inutile
d’insister sur les charges considérables qu’un cours élevé du change
entraînait pour le commerce en général, et aussi pour les achats de toute
sorte (blé, coton, etc.) effectués en Amérique par le gouvernement ou
par les particuliers.
Les mesures prises par le ministre des Finances (conférences franco-
anglaises de février et d’avril 1915 (1), achat de valeurs américaines, etc,
ne parvinrent pas à enrayer cette hausse du cours du change, attendu
que la cause unique de cette élévation ne disparaissait pas : à savoir,
l’énormité des importations d’Amérique. Le véritable remède consis-
tait à réduire les importations : c’était une raison de plus pour intensifier
la production nationale des munitions.
49 Augmentation des munitions à la disposition des alliés. — Un
autre avantage de cette politique consistant à restreindre les commandes
faites par la France à l’étranger, était d’augmenter indirectement les
quantités d’explosifs ou de matériel de guerre pouvant être acquises
par les autres puissances alliées incapables d’en produire elles-mêmes
en quantité suffisante : Russie, Italie.
50 Salaires, chômage, etc. — Enfin — et c’est une des raisons qui
semblent avoir le plus frappé l’opinion publique dans la première année
de la guerre, — il importait à la France, au cours de cette lutte gigan-
tesque, que l'argent dépensé pour la guerre fût versé aux nationaux
plutôt qu’à des étrangers. Faire fabriquer par les industriels et les
ouvriers français le plus de munitions possible, cela signifiait que des
centaines de millions, des milliards de francs seraient payés en salaires
aux ouvriers et aux ouvrières français, en bénéfices aux industriels
français, en dividendes aux actionnaires français. L'avantage n’était
pas négligeable en tant qu’il atténuait, dans une certaine mesure, la crise
provoquée par la guerre. Il avait une portée plus lointaine encore. À la fin
de la guerre, le fait que l’argent français ne serait pas sorti de France, faci-
literait un relèvement économique plus rapide de la nation ; la dette
extérieure serait bien moins considérable qu’elle ne l’aurait été si l’on
eût augmenté les énormes commandes faites à l’étranger.
En résumé, dès 1915, on fit les constatations suivantes :
10 La guerre exigeait, pour une victoire complète et prochaine,
——
(4) Cpr. sur ces conférences, Jèzr, La Conférence de Paris de février 1915, dans la Revue de
Science et de législation financières, 1915, p. 269 et suivantes, et surtout pages 276 à 285.