150 L'EFFACEMENT COLONIAL DE LA FRANCE
l’Angleterre de limiter à l’Europe son action politique et
ses ambitions militaires, — Napoléon conserve encore des
visées coloniales. Il en a même d’une ampleur telle
qu’elles excèderont les moyens dont il dispose, qu’elles
dépasseront, pour tout dire, les forces humaines. Lors-
qu’en 1812 il s’enfonce jusqu’au cœur de la Russie, c’est
avec l'espoir de s’avancer encore plus loin, de pénétrer
en Asie, et, par voie de terre, puisqu’il n’a pu la vaincre
sur mer, d’atteindre la Grande-Bretagne, là où il la croit
toujours vulnérable, dans les Indes. Il n’a pas oublié les
projets qu’il a conçus dès l’expédition d’Égypte, les rela-
tions et les amitiés qu’il s’est assurées en Asie, et qu’il
n’a jamais cessé d’entretenir. Il croit que le moment est
venu pour lui d'atteindre le but vers lequel il a si long-
temps tourné tous ses efforts, et c’est alors que la fortune
le trahit.
À la retraite de Russie succède le repli général des
armées françaises, puis c’est l’invasion, l’abdication, et le
départ pour l’île d’Elbe. Aussitôt, tout un personnel qui
s'était rallié non sans contrainte à l’Empire, mais dont
l’idéal demeurait la monarchie tempérée, offre avec em-
pressement ses services. Malouet est de ceux-là. Le
2 avril 1814, il est, en qualité de commissaire, délégué au
ministère de la Marine et des Colonies. Dès que les Bour-
bons s’installent, à partir du 12 mai, il est ministre; il
ne l’est, du reste, que pour quelques mois, car il meurt
le 8 septembre suivant. Ferrand, puis, à trois mois d’in-
tervalle, Beugnot, tous deux administrateurs de carrière,
mais que rien ne prépare à leur tâche spéciale, le rem-
placent à l’improviste. Malouet, en quelques semaines,
avait, lui, du moins, marqué son passage. Il avait été,
sous la monarchie, commissaire général à Toulon, et,
sous l’Empire, commissaire général à Anvers. Les affaires
coloniales lui étaient plus familières encore ; non seulement
il avait été chargé d’une mission importante à la Guyane,
mais il avait longtemps conservé des intérêts personnels
à Saint-Domingue.
C'était, avec la nomination de Malouet. les espérances