LE MINISTÈRE DE L'ALGÉRIE ET DES COLONIES 221
cependant quelque ingratitude de sa part à méconnaitre
l’œuvre de Bugeaud, et, plus près de lui, celle du maré-
chal Randon lui-méme. Chose plus grave, dans ses consé-
quences mêmes, il avait supprimé le gouvernement général
de l’Algérie, et c’était une erreur.
Le principe d’où procédait le prince Napoléon était assu-
rément judicieux : il fallait selon lui « gouverner de Paris
et administrer sur les lieux! ». C’est ce que, sous une
forme un peu différente, on exprime aujourd’hui générale-
ment en ces termes : on gouverne de loin, on administre
de près. Mais, si l’on ne trouvait, à Alger, pour « admi-
nistrer » que trois préfets, chacun agissant dans sa sphère,
on se mettait en contradiction fatalement avec le principe.
À tout moment, la considération d’intérêts communs, le
rapprochement à établir entre des situations analogues
mais qui pouvaient justifier des divergences, obligeaient
à en référer au ministère. Au lieu de gouverner de Paris,
on s’exposait-de la sorte à s’y trouver contraint d’adminis-
trer, plus que jamais. L'institution d’un gouvernement
général, à Alger, n’était, on le voit, nullement inconci-
liable, avec celle d’un ministère à Paris, bien au contraire.
En l’écartant, on rendait impossible, du méme coup, une
centralisation administrative sur les lieux, dans la plupart
des cas suffisante, et l’on ne pouvait que la transporter à
Paris. C’est là que le prince Napoléon, outrancier de sa
nature, ne voyait pas les suites logiques de ses actes.
D’autres les apercevaient, et de là des critiques inévi-
tables, que le ressentiment de certains grossirait encore,
le moment venu. Dans le sillage de l’empereur, Chasse-
loup-Laubat, on vient de le voir, n’avait ni la force, ni
peut-être la volonté, soit de réparer, soit de résister. Aussi
le ministère de l’Algérie et des Colonies était-il condamné.
Plus tard on le regretterait, mais on se refuserait d’abord
à l’avouer, et sous divers prétextes, on s’en tiendrait à
des demi-mesures. Pour les Colonies, comme pour l’Algérie,
longtemps on écarterait tout projet de ministère spécial,
L. Cf. Robert Moulis, op. cit, p. 102,