VITI
PRÉFACE
çaient à se rassurer un peu qu'après quelques entre-
tiens avec leurs « chefs de service ».
J’ai connu, au ministère des Finances, un de ces
excellents « premiers commis ». Or, un jour qu'un
nouveau ministre, plus téméraire et pas beaucoup plus
renseigné que les autres, prenait le portefeuille, je ne
cachais pas mon inquiétude. Le vieil homme expéri-
menté sourit. Il ouvrit un tiroir et me dit : « J'ai là,
tout préparés, tous les projets de réforme possibles
des impôts, y compris les plus dangereux, les plus
révolutionnaires ; je vais mettre, sans retard, entre les
mains du nouveau ministre, celui de ces projets qui se
rapproche le plus de ses déclarations, et il sera trop
heureux de l’adopter, incapable qu’il est d'en fabriquer
un autre. N'ayez nulle crainte : le mal est enrobé
d'avance et le poison porte son remède. » Ainsi, cet
excellent serviteur de l'État, qui est mort ignoré,
s’employait à faire de l’ordre avec du désordre.
Ces services de haute portée, M. Duchêne les a rendus
toute sa vie. Il a été l'homme administratif de l’Empire
colonial français. Tout lui a passé par les mains. Sa
littérature technique ferait, à elle seule, une ency-
clopédie. Et voilà qu'il descend de la hauteur de ses
longs services pour nous apprendre comment il s’y est
pris, comment s’y sont pris ses aînés; à la pratique, à
veut joindre la théorie. L’excellent écrivain des dossiers
daigne s’incliner jusqu'à l'Histoire!
Mais, quelle leçon, quelle admirable leçon d’éduca-
tion nationale est donnée dans.ces trois cents pages!
Bréviaire politique et administratif, s’il en fat. Si nous
apprenons, à la lecture de ce livre, comment se sont