CHAP. IL — DE LA RENTE DE LA TERRE. 39
valeur relative des denrées, abstraction faite de la quantité de tra
vail nécessaire pour les produire. Pour bien comprendre cette par
tie de notre sujet il faut étudier la nature de la rente et rechercher
quels sont les principes qui en règlent la hausse et la baisse.
La rente est cette portion du produit de la terre que l’on paie
au propriétaire pour avoir le droit d’exploiter les facultés produc
tives et impérissables du sol. Cependant on confond souvent la rente
a\ec 1 intérêt et le profit du capital, et dans le langage vulgaire on
donne le nom de rente à tout ce que le fermier paie annuellement
au propriétaire.
Supposons deux fermes contiguës, ayant une même étendue,
et un sol d’une égale fertilité, mais dont l’une, pourvue de tous les
bâtiments et instruments utiles à l’agi iculture, est de plus bien en
tretenue, bien fumée, et convenablement entourée de baies, de
clôtures et de murs, tandis que tout cela manque à l’autre. 11 est
clair que l’une s’affermera plus cher que l’autre ; mais dans les denx
cas on appellera rente la rémunération payée au propriétaire. 11 est
cependant évident qu’une portion seulement de l’argent serait payée
pour exploiter les propriétés naturelles et indestructibles du sol, le
reste représenterait l’intérêt du capital consacré à amender le terrain
érôt, les profits, et s’absorbe alors dans le fermage, qui tantôt la dépasse et tantôt
lui est inférieure. De là des complications qui voilent souvent la notion de la
rente : mais une analyse sévère la fait bientôt dégager et il suffit de quelque ré-
Ilexiou pour retrouver, au milieu des autres incidents économiques, cette por
tion du produit qui retourne, suivant l’auteur, au propriétaire uniquement
comme propriétaire. Sans cette distinction fondamentale, qui doit se refléter
dans les termes de notre traduction, la théorie de Ricardo serait impossible et
nous dirons même absurde. Quelque novateur qu’on soit et amoureux de systèmes
inconnus, il faut s’arrêter devant des extravagances outrées que repoussent tous
les esprits; et nous placerions la théorie de Ricardo au nombre de ces extrava
gances, s’il avait voulu établir que le fermage, v compris l’intérêt des capitaux
engagés dans la terre, n’accroît pas les frais de production. Tout devient clair
au contraire, sinon incontestable, si l’on admet avec l’auteur que la rentl
est indépendante de cet intérêt, et n’existe même que par la différence des frais
de production sur des terrains de qualités diverses. Ceci est donc plus qu’une
rectification le.xicographique, c est, avant tout, une rectification scientifique On
disait jadis ; Donnez-moi trois lignes d’un homme et je le fais pendre : on pour
rait presque dire, eu général : Donnez-moi trois lignes d’un auteur à traduire, et
je le rends incompréhensible. En substituant dans tout ce chapitre le mot rente
de la terre au mot fermage, nous croyons avoir évité cette faute, et nous aurions
même des autorités à invoquer, s’il en était besoin lorsqu'on a pour soi la néces*
sité logique. — A. F.