PREFACE PAR G. MONOD.
IX
tentrionale, et sur l’Europe méridionale sa domination reli
gieuse et politique. L’Espagne et une partie des îles de la
Méditerranée avaient seules réussi dès le moyen-àge à
échapper à son joug. L’effort de l’Europe chrétienne pour
s’opposer par les croisades à l’invasion musulmane avait été
impuissant et les États chrétiens avaient fini par chercher
dans l’empire turc un allié et un client. Mais à partir du
XVII* siècle, l’empire ottoman commence à s’affaiblir par
l’excès même de sa prospérité et de sa puissance, et plus
encore par son incapacité à s’assimiler les populations con
quises ; il n’a pas pu en former un seul peuple ni les fondre
avec les Turcs, qui restent comme une armée campée en
terre ennemie. L’Europe orientale, menacée dans son exis
tence même, réagit alors avec une énergie désespérée contre
l’invasion qui menace de la submerger, et bientôt, aidée
par l’indomptable besoin d’indépendance des populations
balkaniques, la Russie et l’Autriche commencent à refouler
les infidèles. C’est une nouvelle croisade, victorieuse cette
fois, de la Croix contre le Croissant. Cette croisade revêtira
les formes nouvelles que lui imposent les conditions de la
civilisation moderne et l’affaiblissement de la foi. Si, dans
les masses populaires russes et chez les chrétiens de la
péninsule balkanique, on retrouve encore quelque chose de
cet enthousiasme religieux, rapace et cruel qui animait
autrefois les compagnons de Godefroi de Bouillon, d’or
dinaire les calculs d’une politique de conquêtes et les com
binaisons de la diplomatie donnent à la lutte de l’Europe
chrétienne contre les Turcs une tournure peu mystique et
peu désintéressée. Les préoccupations commerciales se
mêlent aux préoccupations politiques; les rivalités des États
européens assurent toujours aux Turcs des alliances ou de
bienveillantes neutralités qui les sauvent d’une ruine totale
ou retardent leur décadence ; ils trouvent même des garan
ties pour la durée de leur domination dans les jalousies qui
divisent les chrétiens établis sur le territoire ottoman. Au
XVII* et au XVIII* siècle la France a cherché dans une alliance
de la Suède, de la Pologne et de la Turquie le moyen de
réduire les États allemands à l’impuissance et d’arrêter la
Russie dans ses ambitions européennes. Au xix* siècle, la
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