DÉFINITION DE LA QUESTION D’ORIENT
Méditerranée orientale, des intérêts matériels et moraux très
anciens qu’elle ne peut abandonner sans trahir ceux qui sont
habitués, depuis les croisades, à compter sur elle. Mais
l’Autriche-Hongrie, de plus en plus danubienne, ne veut pas
se laisser couper la route de l’Archipel, et l’Allemagne prus
sienne, qui craint qu’elle ne se retourne vers le Rhin et
i’Elbe, la pousse au sud. Mais l’Angleterre ne veut pas se
laisser couper la route qui va de la Méditerranée à l’Inde, et,
de Chypre, de l’Égypte, de l’Afghanistan, elle s’efforce de
contenir, au delà de la mer Noire et de la mer Caspienne,
(( l’énorme glacier russe » qui glisse toujours.
Ainsi, autour des peuples de l’Égypte, des Sémites de la
Mésopotamie, des Turcs de l’Asie Mineure, toute la descen
dance deJaphet, Latins et Grecs, Germains et Anglo-Saxons,
Slaves et Russes, se ruent, au pied du Toit du Monde,
à la destruction de ces peuples étranges qui sont venus,
comme par surprise, entre l’indus et la Méditerranée, sépa
rer les deux grandes branches de la famille indo-européenne,
fatalement poussées, semble-t-il, à se rejoindre.
Mais cette histoire de la question d’Orient prend surtout,
de nos jours, un caractère économique. Elle est une des
formes de cette lutte pour la vie qui jette les uns sur les
autres même des peuples parents. Le percement de l’isthme
de Suez y a ramené la grande route du commerce de l’an
cien continent, qui unit les 350 millions d’Européens aux
250 millions d’Hindous et aux 400 millions de Chinois, qui
porte du Paeifique à l’Atlantique, par-dessus l’ancien
monde, tous les produits dont est faite notre vie quoti
dienne. L’Angleterre en occupe les points les mieux situés
sur la Méditerranée, la mer Rouge et l’Océan Indien. Mais
la France possède la côte nord et la côte sud de la Médi
terranée occidentale, et elle a dans le Levant des intérêts,
des traditions plus fortes encore, dans l’Extrême-Orient
des intérêts plus récents qu’elle prétend faire valoir. La
Russie ne consent pas à rester enfermée dans les steppes
ou les plaines glacées du nord, et il lui faut des débouchés
sur une mer libre, la Méditerranée, l’Océan Indien ou l’Océan
Pacifique. Et toutes les autres nations de l’Europe ont
besoin d’une place sur cette grande voie commerciale. Car il
semble que celles qui en resteront écartées devront renoncer
à jouer un grand rôle dans l’activité économique des temps
prochains.
L’Orient, où commença l’histoire, est redevenu le théâtre