CONCLUSIONS C’est un pays, la Russie, à la fois neuf et vieux; une monarchie asiatique et une colonie euro- péenne : c’est un Janus à deux têtes, occidental par sa jeune face, oriental par sa face vieillie. A. LEroy-BEAULIEU, Revue des Deux Mondesi 1873. Pierre le Grand, Catherine la Grande, Nicolas Ier et Alexandre II furent les derniers des empereurs russes à pratiquer le pouvoir par des ukases directs et personnels, Parce que la Révolution française et la Restauration avaient éclairé une partie de la noblesse russe sur les réformes politiques qui s’imposaient et parce que l'intelligence russe travailla sur le plan politique et dans ce sens, elle se heurta d’abord à Nicolas Ier qui voulait, en haine de la civilisation occidentale, une Russie recroquevillée sur elle-même. Mais, malgré son autoritarisme, il ne pouvait pas ne pas se rendre compte de la nécessité d’élever le peuple sur le plan économique, d’où l’émancipation des serfs. Alexandre II et Nicolas II ont agi dans le sens de la liqui- dation du servage; mais ils ont été victimes de leur autoritarisme et des erreurs et des tâtonnements de leur entourage, autoritaire aussi. Tous les deux, malgré leurs hautes aspirations sociales, ont laissé dans toutes les institutions russes la marque de leurs incertitudes et celle de l'ignorance, de l’incohérence et de la mauvaise volonté de leurs conseillers : contradictions à peu près fatales à cette époque comme à toutes les époques de transition. Les nobles, complices des tsars autocrates, étaient à la fois des bergers pour les empereurs et des loups pour les pauvres moujiks qu’ils pressuraient de leur mieux. Malgré tout, par la force des circonstances, les nobles intelligents devaient vouloir plus de liberté en Russie. D'où conflit entre eux et les bourgeois