des champs pour un autre qui leur paraissait plus facile et plus sûr, et moins sujet aussi aux vicissitudes du temps et des saisons, dans les grandes usines des villes. Ainsi se pro- duisit le phénomène enregistré par David Ricardo, d’une offre de travail supérieure à la demande, et tendant consé- quemment à faire baisser les salaires jusqu’au niveau minimum nécessaire pour permettre à l’ouvrier de se sustenter. C’est à cette époque que fut formulée la loi de fer des salaires qui semblait condamner les ouvriers à une misère perpétuelle et sans cesse croissante. En réalité, les entrepreneurs et les capitalistes abusèrent de cette situation. En face de la foule anonyme des ouvriers, ignorante, abrutie par un travail fatigant d’une durée exté- nuante, divisée et désorganisée, se dressait l’industriel, intel- ligent, cultivé, avisé, maître et chef incontesté de l’usine, qui ne rendait compte de ses actes qu’à ses actionnaires, lesquels ne lui demandaient que d’augmenter de plus en plus le ren- dement de leurs capitaux. Il y eut ainsi une phase de véri- table oppression patronale. Les ouvriers furent considérés comme des ‘bêtes de somme, que l’on devait payer le moins possible et ignorer à tout autre égard. L’État, pendant toute cette période, brilla par son absence. En un premier moment, selon les principes de la révolution française qui, ayant détruit toutes les institutions d’origine médiévale, et par conséquent les corporations, avait sanctionné l'interdiction du droit d’association, il prêta même main — forte aux patrons, en empêchant les ouvriers dispersés et divisés d'établir entre eux une solidarité pouvant leur permettre de résister à la domination de leurs maîtres. Par la suite, l'interdiction fut levée sans que l’État modifiât son attitude de neutralité conforme aux principes du libéralisme qui le guidait en tout. Mais, en se plaçant, lui, neutre, entre les forts et les faibles, il favorisait les premiers aux dépens des seconds. La révolte devait en découler fatalement. Elle ne tarda pas, en effet. Le socialisme, qui en fut l’instrument, doit être considéré comme la conséquence fatale de la transformation qui se produisit dans la situation de la main — d’œuvre et de l’indifférence de l’Etat à l’égard du nouveau problème. Le système politique propre à l’État libéral qui, tout en se désintéressant des conditions graves et parfois même intolérables où l’évolution de l’organisation économique et souvent même la mauvaise volonté et l’égoïsme 529