22 LE TRAVAIL PENDANT LE HAUT MOYEN AGE siècle, ils avaient reconnu l’inutilité d’une fiction qui les génait. Forts du servilisme des populations romaines et sûrs de conserver le pouvoir, tant qu’ils garderaient le monopole de cette puissance militaire que les Romains avaient abandonnée aux Barbares, ils ne tardèrent pas à se révéler sous leur véritable aspect. Le monde civilisé fit alors la coûteuse expérience du changement de régime auquel il n’avait su se soustraire, et l’établissement des Barbares fit sentir ses effets destructeurs. Le premier de ces. résultats fut l’effondrement de l’idée de l’État. Les monarchies barbares, étranges amalgames du despotisme romain et du principat germanique, se débattirent pendant trois cents ans aux prises avec les chefs de leurs bandes devenus ceux d’aristocraties tur- bulentes, laissèrent rompre la solide armature de l’admi- nistration romaine et se montrèrent imp'uissantes à empê- cher l’effroyable anarchie, où la société de l’Occident faillit se dissoudre. Si le monde y gagna la disparition de l’absolutisme et du fiscalisme romains, il y perdit pour de longs siècles, le bienfait de l’ordre et de la paix inté- rieure. Heureusement pour l’avenir de la civilisation, la supé- riorité numérique et sociale des populations romaines était si grande, que, dans la majeure part de l’Empire, la coloni- sation barbare recouvrit seulement d’une mince couche les profondes alluvions laissées par la domination de Rome. Les anciens peuples latins, celtes, ibères, thraces, illyriens, helléniques dont la culture s’était unifiée au temps de l’Em- pire, assimilèrent, absorbèrent ou modifièrent rapidement les populations slaves, germaniques, voire même asiatiques qui s’étaient établies parmi elles. Si elles perdirent à leur contact bien des caractères des sociétés civilisées, du moins elles conservèrent, surtout sous la forme religieuse, le dépôt des institutions romaines. Parmi les Barbares, les uns, Hérules, Ruges, Ostrogoths, Suèves, Vandales, dispa- rurent d’ailleurs sans laisser de traces. D’autres, les Ger-