ÉCONOMIE AGRAIRE DE L'OCCIDENT 89 libres et de paysans pionniers (les hôtes) dont le rôle a été trop longtemps méconnu et a été mis récemment en lumière. Sous la protection des rois, des évêques, des grands propriétaires, souvent même de leur propre initiative, ces bhumbles travailleurs s’en vont à la recherche des terres désertes et incultes ou des parcelles forestières qu’on aban- donne à leur activité. Plus souvent encore, ils profitent du droit reconnu à tout pionnier de s’approprier, en les mettant en valeur (aprisio, bifang), les terres qui appar- tiennent aux communes rurales et aux collectivités. Ils tracent avec la hache dans les forêts des clairières (roden, essarts) ; ils débroussaillent la lande. Ils essaient de ferti- liser ces terres conquises en y accumulant les souches, les troncs, les ronces et les épines, en tas énormes, auxquels ils mettent le feu (procédé du brûlis). Ils extirpent avec la charrue ou la bêche, les nouveaux rejets ou racines. Ils coupent les marais par des chaussées, ils les égouttent au moyen de canaux d’assèchement. Ils entreprennent, parfois avec le concours de l’État, comme au temps de Charlemagne, d’endiguer les rivières, telles que la Loire. Des conquêtes partielles sont ainsi faites surtout en Italie, en Gaule, en Flandre, sur les eaux sauvages. Œuvre modeste encore, mais dont l'intensité est attestée par la multitude des noms de lieux, qui, en Occident, dès cette époque, ont conservé le souvenir de ces défrichements, de ces dessé- chements, de ces endiguements, par lesquels, rois, moines, grands et petits propriétaires, pionniers libres, demi- libres ou serfs, ont essayé, pour la première fois au moyen âge, d’arracher la bonne terre nourricière à la sauvagerie infééonde. Persistance des caractères de l’économie agraire primi- live, Les terres ‘incultes, les eaux, les forêts, la culture pastorale. — Les résultats restèrent, il est vzai, inférieurs à P’effort, et la production agricole fut loin de répondre par son développement à l’ardeur de là colonisation. Les inva-